Politique, Bénin – Un collectif de partis et de mouvements politiques de l’opposition, ainsi que des députés de l’opposition à l’Assemblée nationale, a adressé une correspondance aux missions diplomatiques et aux organisations internationales partenaires du Bénin. Ils dénoncent une détérioration des droits de l’homme, une instrumentalisation de la justice et des réformes électorales excluant l’opposition.
Dans leur correspondance datée du 20 janvier 2025, que La Marina BJ a pu consulter, et portant des signes distinctifs du parti Les Démocrates, les opposants dénoncent une régression des libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et le droit de grève. Ils pointent du doigt des lois jugées répressives, comme le Code du numérique, dont l’article 550 aurait conduit à l’arrestation de plusieurs journalistes, dont Ignace Sossou en 2019, Casimir Kpedjo la même année, Aristide Fassinou Hounkpevi en 2020 et Virgile Ahouansè en 2022.
Le collectif évoque également la loi sur le droit de grève et de manifestation, affirmant que plusieurs mobilisations syndicales ont été empêchées. Il accuse les forces de l’ordre de violences ayant causé la mort de citoyens, citant les cas de Fayçal Ouorou, 25 ans, à Parakou, et de Martin Hounga, 18 ans, à Abomey-Calavi.
Une justice sous influence et des condamnations politiques
Les opposants dénoncent une justice aux ordres de l’exécutif et une instrumentalisation de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Selon eux, cette juridiction, “créée pour lutter contre les crimes économiques et le terrorisme, s’est transformée en une véritable Cour politique, chargée de la répression des acteurs politiques de l’opposition”.
La correspondance cite plusieurs condamnations ”jugées arbitraires”, dont celles de Sébastien Ajavon (20 ans de prison en 2018, puis 3 ans en 2021), Komi Koutché (20 ans en 2020), Léhady Soglo (10 ans en 2020), ainsi que Joël Aïvo et Reckya Madougou (respectivement 10 et 20 ans en 2021). Selon le collectif, “toutes ces décisions ont été prises en dehors de toute logique de droit et de toute procédure judiciaire normale. Les procès n’étaient fondés sur aucun fait matériel et reposaient sur des accusations sans preuves”.
Le collectif souligne que chaque fois qu’une décision de la CRIET est déférée devant une juridiction internationale pour arbitrage, elle est systématiquement jugée non conforme aux principes des droits humains contenus dans les instruments juridiques ratifiés par le Bénin. Le collectif appuie ses affirmations sur plusieurs décisions rendues par des instances internationales, notamment le refus par la justice espagnole, le 23 avril 2019, de la demande d’extradition de Komi Koutché, la demande d’annulation par la Cour africaine des droits de l’homme de la condamnation à 20 ans de prison de Sébastien Ajavon le 29 mars 2019, ainsi que les deux décisions du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies, qui ont qualifié d’arbitraires les détentions de Reckya Madougou et Joël Aïvo et exigé leur libération.
Des réformes politiques excluant l’opposition
Le collectif fustige également les réformes du Code électoral et de la Charte des partis politiques, adoptées sous le régime de SEM Patrice Talon. Selon les opposants, ces réformes ont conduit, dans un premier temps, au refus de reconnaissance des partis d’opposition, puis à leur exclusion du processus électoral. À l’appui de cette déclaration, ils mentionnent les élections de 2019, 2020 et 2021, auxquelles aucun parti d’opposition n’a pu participer.
Dans cette correspondance adressée aux missions diplomatiques et aux responsables d’organisations internationales représentant des pays partenaires du Bénin, les opposants réclament la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés et l’ouverture d’un dialogue national pour garantir une élection inclusive en 2026. Ils interpellent les partenaires du Bénin afin qu’ils prennent position face à ce qu’ils considèrent comme “une dérive autoritaire”.