Justice, Bénin – Plus de quatorze ans après la disparition de Pierre Urbain Dangnivo, la reprise du procès, débuté en 2015, a ravivé les interrogations sur l’un des plus grands mystères judiciaires du Bénin. Entre accusations de complot, manipulations présumées et révélations fracassantes, la première journée d’audience, tenue le mardi 11 mars 2025, a tenu en haleine l’opinion publique.
Pour ceux qui avaient suivi la dernière audience du procès en 2018, il était clair que cette reprise s’accompagnerait de révélations. Et en attendant la version des témoins, c’est bien ce à quoi l’on a assisté hier avec les accusés, au tribunal de première instance de Cotonou, statuant en matière criminelle.
Un accusé qui clame son innocence et dénonce un complot
Face au juge, et en langue locale fongbé, Codjo Alofa s’est montré ferme : il ne connaît pas Pierre Urbain Dangnivo. « Je ne l’ai jamais vu », a-t-il insisté, rejetant en bloc toute implication dans l’affaire. Pourtant, il est présenté comme l’assassin du cadre du ministère des Finances, disparu dans la nuit du 17 au 18 août 2010.
Son récit, détaillé et précis, met en lumière des accusations troublantes. Alofa affirme avoir été arrêté le 16 août 2010 pour un vol de moto, avant d’être détenu au commissariat de Godomey, puis à la prison civile de Cotonou. Selon lui, c’est en détention qu’il aurait reçu une offre de 25 millions FCFA pour endosser la responsabilité du meurtre.
« On m’a dit que Dangnivo gênait et qu’il fallait quelqu’un pour calmer la situation politique », a-t-il déclaré, toujours en fongbé, selon plusieurs sources concordantes. Il affirme également que son identité aurait été falsifiée pour mieux l’impliquer dans l’affaire.
Autre moment fort du procès, l’accusé est revenu sur sa prétendue évasion de la prison de Missérété en février 2015. Selon lui, ce n’était pas une fuite, mais une exfiltration. « Des hommes armés sont venus me chercher à l’aube, prétendument pour une audience au tribunal. Mais au lieu du palais de justice, ils m’ont conduit à la frontière de Hillacondji et m’ont remis 50 000 FCFA en me demandant de disparaître », a-t-il raconté. Plutôt que de fuir, il affirme s’être présenté aux autorités togolaises, ce qui a conduit à son extradition vers le Bénin.
Un complice malgré lui ?
Donatien Amoussou, accusé de complicité, a lui aussi livré sa version des faits lors de cette première journée. Selon lui, c’est le patron de la sécurité présidentielle de l’époque qui lui aurait demandé de remettre un téléphone portable à la radio Océan FM.
« À l’époque, je ne savais pas qu’il appartenait à Dangnivo. J’ai refusé malgré une offre de 500 000 FCFA. Finalement, une autre personne a accepté pour deux millions FCFA », a-t-il déclaré. Peu après, il aurait été convoqué puis incarcéré, désigné comme complice par Alofa lors d’une séance d’identification qu’il qualifie de mise en scène.
L’audience a été suspendue à 17 heures, laissant de nombreuses questions en suspens. Les deux accusés dénoncent une machination et clament leur innocence. Ce mercredi 12 mars, la reprise du procès pourrait éclaircir certaines zones d’ombre, mais le mystère Dangnivo reste, pour le moment, entier.
À mesure que la procédure avance, ce dossier judiciaire pourrait bien révéler des implications politiques insoupçonnées, faisant de ce procès un moment clé pour la justice béninoise.