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Jour 3 – Procès Dangnivo : une durée prolongée, des témoignages clés et des révélations troublantes

Justice, Bénin Le procès de l’affaire Pierre Urbain Dangnivo, disparu en août 2010, s’est poursuivi hier, jeudi 13 mars 2025, au tribunal de Cotonou. Cette troisième journée a été marquée par l’audition de plusieurs témoins essentiels et une décision majeure du juge : la prolongation du procès au-delà des quatre jours initialement prévus. Entre contradictions dans les dépositions et révélations inattendues, la quête de vérité s’intensifie.

Dès la reprise de l’audience, le président du tribunal, Guillaume Lally, a annoncé qu’une ordonnance prolongeant la durée du procès sera prise. Initialement prévu du 11 au 14 mars 2025, le procès se poursuivra jusqu’à l’examen minutieux de toutes les déclarations des témoins et des accusés. Cette annonce a été accueillie favorablement par les avocats présents, qui y voient une volonté de ne pas précipiter les débats et de garantir un jugement éclairé.

L’expert légiste face aux interrogations sur l’identification du corps

Premier témoin à la barre pour cette troisième journée, le docteur Cédric Bigot, médecin légiste et professeur de médecine, a été entendu sur l’analyse ADN réalisée dans cette affaire. Il a détaillé son travail en trois étapes : prélèvement sanguin auprès de la famille de Dangnivo, analyse des restes du corps retrouvé à la morgue et comparaison des échantillons dans des laboratoires locaux et étrangers.

L’expert a révélé que certains os manquaient sur le corps étudié, compliquant ainsi l’identification. Toutefois, il a affirmé que des prélèvements du fémur permettraient d’obtenir des traces ADN exploitables.

Après le légiste, l’huissier Brice Topanou, qui aurait assisté aux travaux de Cédric Bigot, a témoigné sur son rôle dans la mise sous scellés du corps présumé de Dangnivo. Il a admis ne pas avoir été présent lors de l’exhumation du 27 septembre 2010, ce qui soulève des interrogations sur la chaîne de traçabilité du corps.

Interrogé sur l’identité de la personne lui ayant montré le corps à la morgue, il a répondu qu’il s’agissait du gendarme Lucien Dègbo, sans pouvoir confirmer si ce dernier était réellement l’auteur du dépôt du corps. Ces incertitudes ajoutent un flou supplémentaire sur les circonstances exactes de la disparition de Dangnivo.

Un témoin en exil raconte les menaces reçues

Auguste Amoussou, frère du coaccusé Donatien Amoussou, a témoigné par visioconférence depuis Abidjan. Il a révélé que son frère avait été sollicité en 2010 pour aider un Camerounais, Priso, à transmettre des informations aux autorités sur la disparition de Dangnivo. Cette rencontre aurait conduit à une audience avec le colonel Séverin Koumassegbo, alors chef de la sécurité présidentielle sous Boni Yayi.

Avant cela, le témoin a évoqué le rôle de l’ancien directeur de l’Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin, Julien Akpaki, qui aurait contacté le chef de la sécurité présidentielle de l’époque. Selon Auguste Amoussou, son frère Donatien aurait ensuite été contraint d’accepter une mission qu’il refusait d’exécuter. Peu après, Donatien a été arrêté et placé en détention sans explication claire.

Craignant pour sa vie après avoir tenté d’alerter l’opinion publique, Auguste Amoussou affirme avoir reçu des menaces récurrentes et avoir dû fuir le Bénin, se réfugiant successivement au Ghana, à Lomé, puis en Côte d’Ivoire.

Un ex-détenu accuse le gendarme Lucien Dègbo

Le témoin Jérôme Tchédji Tchiakpè, alias “Dada Gbèzé”, a pris la parole. Arrêté en octobre 2010 et incarcéré pendant cinq ans, il a déclaré avoir été accusé à tort d’être le commanditaire du meurtre de Dangnivo par Alofa, le principal accusé.

Selon les témoignages, cette accusation aurait été orchestrée sous la pression du gendarme Lucien Dègbo, qui aurait cherché à lui nuire en raison de son statut de chef suprême Vodoun de Ouidah. Alofa, qui devait 500 000 FCFA au témoin, aurait refusé de répondre aux questions de Jérôme Tchédji Tchiakpè lors de leur rencontre en prison. Confronté à ces déclarations à l’audience d’hier, Alofa a confirmé avoir menti sous la contrainte et sur ordre du gendarme.

Face à cette révélation, Tchiakpè a déposé une demande de réparation pour ses cinq années passées en prison. Le président du tribunal a transmis cette requête au procureur.

Un colonel à la barre : contradictions et interrogations

Dernier témoin de la journée d’hier, le colonel Séverin Koumassegbo, ancien chef de la sécurité présidentielle, a confirmé avoir rencontré Priso, Auguste et Donatien Amoussou en 2010 à la demande de Julien Akpaki, alors directeur de l’ORTB. Lors de leur échange, Donatien Amoussou aurait mentionné que “Polo” (un individu lié à l’affaire) se trouvait au Nigeria, éveillant les soupçons du colonel.

Koumassegbo a affirmé avoir tenté à plusieurs reprises de se rendre au domicile de Donatien Amoussou pour vérifier certaines informations, mais la porte était toujours fermée. Plus tard, Priso lui aurait rapporté avoir reçu des menaces de Polo, renforçant ainsi ses doutes. Il a ensuite découvert que le “hounnon” (prêtre vodou) mentionné par Priso était en prison pour vol, ce qu’il a confirmé auprès du commissariat de Godomey.

Les soupçons envers Donatien Amoussou se sont accentués lorsque ce dernier a évité un rendez-vous important. Finalement, Koumassegbo a conduit Donatien et Priso devant la commission d’enquête, où Donatien a été retenu tandis que Priso a été relâché.

Il a également évoqué une rencontre entre la famille Dangnivo et le président Boni Yayi, durant laquelle le frère du disparu a signalé qu’un individu anonyme avait retrouvé le téléphone de Dangnivo à Hêvié et comptait le remettre au commissariat d’Agblangandan.

Face aux accusations, Koumassegbo a nié tout lien avec la disparition de Dangnivo ainsi que toute implication dans les activités du renseignement béninois de l’époque. Il a aussi réfuté les allégations de Donatien Amoussou selon lesquelles il lui aurait confié une mission concernant un téléphone.

Enfin, il a admis avoir reçu un million de FCFA de l’ancien président Boni Yayi, précisant qu’il s’agissait d’un soutien à la commission d’enquête, sans lien avec l’affaire Dangnivo.

Un procès qui s’enlise, mais qui progresse

Cette troisième journée d’audience a levé le voile sur plusieurs zones d’ombre de l’affaire Dangnivo. Entre expertises scientifiques racontées, témoignages troublants et responsabilités partagées, la vérité semble encore difficile à cerner. La prolongation du procès laisse entrevoir de nouveaux développements dans les jours à venir.

Le tribunal, avant la suspension, a ordonné des vérifications supplémentaires et convoqué l’ex DG de l’ORTB Julien Akpaki pour la prochaine audience, prévue le 19 mars 2025.

Proposé par DB, COLLABORATEUR EXTÉRIEUR

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