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Présidentielle 2026 au Bénin : pourquoi Romuald Wadagni a choisi de s’adresser à la jeunesse

Politique, La Marina BJ À Parakou, le 4 octobre 2025, devant une foule galvanisée par l’annonce de son investiture, Romuald Wadagni a choisi de consacrer une partie majeure de son discours à la jeunesse béninoise. Dans une allocution à la fois solennelle et soigneusement calibrée, le ministre de l’Économie et des Finances, désormais candidat investi de la mouvance pour l’élection présidentielle du 12 Avril 2026, a promis de faire de cette jeunesse « la force, la richesse et l’avenir du pays ». Décryptage d’un discours à l’allure de stratégie de positionnement.

« La jeunesse est notre richesse, elle est notre force, elle est notre avenir », a-t-il martelé, avant d’ajouter « Chaque jeune doit avoir la chance de réussir, de travailler, de bâtir sa vie dans la liberté et la sécurité. »

Ces mots, à première vue convenus, ont résonné bien au-delà du stade de Parakou. Car ils ne doivent rien au hasard. Après neuf années passées au cœur du pouvoir, à concevoir et piloter les réformes économiques les plus emblématiques du régime, le candidat président Romuald Wadagni sait que sa légitimité technocratique ne suffira pas à conquérir une base électorale. En s’adressant directement à la jeunesse, il cherche à combler ce déficit politique et symbolique.

L’architecte du modèle Talon face à son dilemme générationnel

Depuis 2016, le nom de Romuald Wadagni est indissociable du « modèle Talon ». Sous sa houlette, le Bénin a connu un assainissement financier rigoureux, une attractivité accrue auprès des bailleurs internationaux et une stabilité macroéconomique rare dans la sous-région. Mais ce succès s’est bâti sur un modèle hautement vertical, centré sur la performance, la discipline budgétaire et l’efficacité administrative — un modèle souvent salué à Washington, Paris ou Abidjan, mais moins ressenti à Bohicon, Zogbodomey ou Djougou.

Autrement dit, le Bénin a mieux géré, mais les Béninois, surtout les jeunes, ne se sentent pas toujours mieux représentés. Le ministre d’État Romuald Wadagni, qui a incarné la rigueur et la loyauté technocratique au sein du régime, mesure ce paradoxe. En plaçant la jeunesse au centre de son discours, il cherche à repositionner son image : celle d’un gestionnaire devenu rassembleur, conscient que les succès économiques ne valent politiquement que s’ils se traduisent en opportunités vécues.

Une main tendue à une génération désenchantée

Le calcul est fin. Depuis quelques années, la jeunesse béninoise exprime une forme de désenchantement à l’égard du pouvoir.
Les programmes publics d’emploi — le PSIE, qui a permis à plus de 7 000 jeunes d’intégrer temporairement le marché du travail ; le ProDIJ, soutenu par la Banque mondiale, qui a accompagné plus de 48 000 jeunes vulnérables dans les chaînes agroalimentaires et l’emploi salarié ; le programme Azôli, destiné aux jeunes peu ou pas instruits et qui aurait inséré plus de 5 000 bénéficiaires ;

Ou encore le Programme d’appui à l’emploi indépendant (PAEI), visant la création d’entreprises jeunes — ont certes permis à quelques milliers d’entre eux d’intégrer le marché du travail, mais la majorité demeure confinée dans l’informel. Les diplômés multiplient les stages sans débouchés, les jeunes entrepreneurs peinent à accéder au crédit, et les zones rurales restent en marge des dynamiques économiques.

Le candidat à la présidentielle le sait : les chiffres ne suffisent plus, il faut désormais parler aux cœurs. Son discours de Parakou n’était pas un simple exercice de style, mais un signal adressé à une génération qui, tout en admirant la rigueur du régime actuel, aspire à davantage d’humanité, d’ouverture et d’inclusion. En réaffirmant que « notre avenir se jouera dans nos écoles, nos universités, dans les mains de nos jeunes créateurs », le candidat tente de reformuler le récit du pouvoir Talon, en y injectant une dimension sociale et générationnelle qui lui a souvent fait défaut.

La jeunesse, clé d’une transition maîtrisée

Sur le plan politique, l’adresse à la jeunesse est aussi un geste tactique. Le régime, conscient que les élections de 2026 ne se joueront pas uniquement sur le bilan économique, veut éviter le piège d’une succession perçue comme mécanique. En incarnant le renouvellement dans la continuité, le candidat président Romuald Wadagni s’impose comme le visage du rajeunissement sans rupture — celui qui prolonge l’œuvre du président sortant tout en l’adaptant aux aspirations d’une société plus exigeante.

Cette stratégie vise à neutraliser le fossé générationnel qui s’est creusé entre le pouvoir actuel et une jeunesse hyperconnectée, critique et politisée. En s’adressant à elle, le candidat président Romuald Wadagni cherche à bâtir un pont entre le modèle technocratique des élites et l’impatience sociale d’une population dont plus de 70 % a moins de 25 ans.

L’enjeu dépasse la simple communication : il s’agit de crédibiliser une succession politique planifiée en la drapant d’un idéal collectif. Alors pourquoi la jeunesse ? Parce qu’elle est à la fois le talon d’Achille et le potentiel levier de la continuité du régime de la rupture. C’est elle qui subit le chômage, l’exode, la précarité ; mais c’est aussi elle qui incarne la vitalité du pays et sa projection dans l’avenir. En la plaçant au centre de sa rhétorique, le ministre candidat Romuald Wadagni tente d’ajouter à sa compétence technocratique une dimension empathique et citoyenne.

Reste une question : le discours de Parakou sera-t-il suivi d’actes à la hauteur des mots ? Pour convaincre, le candidat devra démontrer que sa promesse d’« avenir partagé » ne se limite pas à une rhétorique électorale, mais s’appuie sur un véritable tournant des politiques publiques — en matière d’emploi, de formation, d’accès au crédit et d’entrepreneuriat.

Romuald Wadagni a choisi de s’adresser à la jeunesse parce qu’il sait qu’elle détient la clé de la légitimité politique que sa trajectoire administrative ne lui a pas encore donnée. Cet homme du sérail, longtemps symbole de la rigueur talonienne, cherche à devenir plus qu’un gestionnaire : un leader capable de réconcilier la performance et la participation, la stabilité et la proximité, la continuité et la confiance.

À Parakou, il a ouvert un nouveau chapitre — celui où le pouvoir parle enfin à une génération qu’il avait, jusqu’ici, trop souvent gouvernée à distance. Reste désormais à savoir si la jeunesse béninoise, séduite par le ton, croira à la promesse.

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