Finances publiques, La Marina BJ — Le projet de loi de finances pour la gestion 2026, transmis à l’Assemblée nationale pour adoption lors de la session budgétaire qui s’ouvre le 31 octobre (Lire LMBJ DU 1/10/2025), introduit plusieurs ajustements fiscaux d’apparence technique mais à forte portée budgétaire. Au centre de ces évolutions, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) occupe une place stratégique, à la fois comme principale source de recettes et comme levier de modernisation de la gestion publique.
À travers le projet de révision des articles 18 de la loi de finances 2007, 247 et 254 du Code général des impôts, le gouvernement béninois cherche à rationaliser les flux de TVA, à accorder une marge de respiration au secteur du BTP et à fluidifier le remboursement du crédit d’impôt.
Une répartition de la TVA modernisée
Depuis la loi n°2006-24 du 28 décembre 2006 portant loi de finances pour la gestion 2007, la clé de répartition du produit de la TVA entre les différentes administrations bénéficiaires n’avait jamais été revue. Or, en près de vingt ans, le contexte fiscal a profondément changé. Le volume des recettes de TVA a connu une forte progression, sans que le montant des remboursements dus aux entreprises ne suive le même rythme.
Dans le décret transmis aux députés, le gouvernement évoque un diagnostic de l’Inspection générale des Finances (IGF) révélant une accumulation de ressources non utilisées sur le compte dédié au remboursement des crédits de TVA, estimée à environ 130 milliards de francs CFA. Ce déséquilibre, considéré comme un signe d’inefficience dans la chaîne de gestion, a conduit l’exécutif à recommander une actualisation du dispositif d’approvisionnement du compte de consignation.
La réforme proposée s’appuie également sur des standards internationaux de performance fiscale, tels que l’outil TADAT (Tax Administration Diagnostic Assessment Tool), qui évalue la rapidité et la fiabilité des systèmes de remboursement de TVA. L’objectif affiché est de rapprocher la performance de l’administration béninoise des meilleures pratiques régionales, en privilégiant la célérité et la transparence.
Concrètement, le projet de loi de finances 2026 révise la clé de répartition du produit de la TVA. Pour la taxe collectée par la Direction générale des impôts (DGI), 1 % sera désormais logé au compte de consignation pour les remboursements, 12,35 % à la Caisse autonome de gestion de la dette (CAGD), et 86,65 % au Trésor public contre 82,65% par le passé. Pour la TVA perçue au cordon douanier, la répartition sera de 2 % pour le remboursement des certificats de détaxe, 97,5 % au Trésor public et 0,5 % aux collectivités territoriales.
Ce réajustement vise à réduire les excédents inertes, à accélérer les remboursements dus aux entreprises exportatrices et à renforcer la traçabilité des flux fiscaux, tout en introduisant un embryon de fiscalité décentralisée au profit des communes.
BTP et industries : un allègement fiscal sous contrôle
Le texte propose ensuite une modification de l’article 247 du Code général des impôts, longtemps critiqué pour son caractère restrictif. Jusqu’ici, la déduction de la TVA sur les frais de carburant n’était accordée qu’aux véhicules exclusivement affectés au transport public de personnes ou de marchandises. Une limite qui pénalisait de nombreux secteurs pour lesquels le carburant constitue un intrant essentiel, notamment les industries, les entreprises de logistique et surtout les BTP.
Le gouvernement reconnaît que cette exclusion alourdissait artificiellement les coûts d’exploitation, réduisant la compétitivité des opérateurs nationaux dans un environnement régional de plus en plus concurrentiel. Désormais, le projet de loi autorise la déduction de la TVA sur les carburants utilisés par les véhicules et engins directement affectés à la réalisation de l’objet social des entreprises, à condition que l’usage soit exclusivement professionnel.
Pour prévenir les dérives, la déduction sera plafonnée à 90 % du montant de la taxe figurant sur la facture d’achat. L’objectif est double : rétablir la neutralité économique de la TVA tout en maintenant un haut niveau de discipline fiscale. Ce compromis témoigne d’une approche plus pragmatique, combinant soutien à la productivité et préservation du rendement budgétaire.
Crédit de TVA : un délai de remboursement élargi pour plus de souplesse
Enfin, la troisième innovation concerne la procédure de remboursement du crédit de TVA, régie par l’article 254 du Code général des impôts. Le dispositif actuel fixe un délai strict : les demandes doivent être déposées au plus tard le dernier jour du mois suivant le bimestre civil concerné. Une rigidité qui, selon le gouvernement, ne tient pas compte du calendrier comptable réel des entreprises.
Le projet de loi de finances gestion de 2026 propose d’autoriser la régularisation des demandes complémentaires jusqu’au 30 avril de l’exercice suivant. Cette extension permettra aux entreprises, notamment exportatrices, d’intégrer à temps leurs crédits de TVA lors de la clôture de leurs comptes annuels. L’assouplissement répond à une exigence de réalisme économique, tout en préservant la rigueur des contrôles fiscaux.
Une réforme technique à portée systémique
Au-delà de leur technicité, ces trois mesures traduisent une orientation claire : celle d’un pilotage plus fin de la politique fiscale, axé sur la performance, la transparence et la compétitivité. En ajustant le mécanisme de remboursement de la TVA, en élargissant le droit à déduction et en flexibilisant les délais de régularisation, le Bénin affine son architecture fiscale sans rompre avec la stabilité du cadre macroéconomique.
Ces amendements, qui seront débattus dans l’hémicycle d’ici quelques semaines , constituent un test pour la stratégie de modernisation budgétaire engagée depuis 2016. Ils marquent la transition d’une logique de collecte vers une logique de gestion optimisée, où chaque franc de TVA recouvré ou remboursé devient un indicateur de performance publique.