Numérique, La Marina BJ – Longtemps dominé par la Société Béninoise d’Infrastructures Numériques (SBIN) et ISOCEL Télécom, le marché du FTTH (Fiber to the Home) accueille désormais deux nouveaux protagonistes : GVA Bénin (CanalBox), filiale du Groupe Vivendi Africa, et Starlink, la constellation satellitaire de SpaceX. Selon les dernières données publiées par l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste (ARCEP), les deux opérateurs signent, au 30 juin 2025, leurs premiers milliers d’abonnés, confirmant une ouverture progressive du marché du très haut débit fixe au Bénin.
Les chiffres du régulateur sont sans équivoque. Entre mars et juin 2025, le parc d’abonnés à Internet fixe est passé de 46 285 à 55 199, soit une croissance de près de 19 % en trois mois. Cette expansion repose quasi exclusivement sur la montée en puissance du FTTH, dont la part dans le parc total atteint désormais près de 80 %, reléguant les technologies ADSL et LTE au second plan.
Si la SBIN conserve une avance nette avec 42 383 abonnés, suivie d’ISOCEL (5 909 abonnés), le rapport de l’ARCEP intègre pour la première fois deux nouveaux acteurs : GVA Bénin, qui enregistre 1 646 abonnements actifs, et Starlink, avec 1 013 abonnés. Leur arrivée dans les statistiques traduit le début d’un rééquilibrage, même encore modeste, d’un marché historiquement concentré.
GVA : l’offensive du prix et de la proximité
L’entrée de GVA Bénin, commercialisant ses services sous la marque Canalbox, bouleverse déjà les codes du marché. L’opérateur a adopté une politique tarifaire agressive, misant sur la démocratisation de la fibre optique. Selon les données de l’Observatoire des tarifs de l’Internet fixe, le coût d’installation hors promo chez GVA s’élève à 10 000 FCFA, contre 15 000 FCFA chez ISOCEL et 20 000 FCFA chez SBIN.
Sur le plan des abonnements mensuels, l’écart est encore plus frappant : Canalbox propose une connexion FTTH de 50 Mbps à 15 000 FCFA, quand SBIN facture une offre comparable à 24 900 FCFA et ISOCEL à 40 000 FCFA. Cette stratégie “grand public” fait de GVA le premier opérateur de fibre à prix socialement accessible, ce qui explique la rapidité de sa pénétration dans les zones urbaines, notamment à Cotonou et Abomey-Calavi.
Avec un objectif ambitieux de 100 000 foyers raccordés d’ici 2026, GVA mise sur la proximité, la clarté tarifaire et la qualité de service. En seulement quelques mois, l’opérateur s’impose comme le principal challenger du duopole historique, donnant au consommateur béninois une alternative crédible dans le haut débit fixe.
Starlink : la révolution venue du ciel
À l’opposé du modèle urbain de GVA, Starlink cible les zones rurales et périurbaines où les réseaux terrestres restent limités. Basé sur une constellation de satellites à orbite basse, le service offre une connectivité stable et rapide, même dans les localités non desservies par la fibre.
Avec 1 013 abonnés recensés au 30 juin 2025, Starlink démontre qu’une demande réelle existe pour une connectivité sans contrainte géographique. Son offre, certes plus coûteuse à l’installation, attire une clientèle spécifique : entreprises isolées, ONG, institutions publiques ou particuliers résidant hors des centres urbains. L’opérateur californien ne rivalise donc pas directement avec les acteurs FTTH, mais complète la couverture nationale et contribue à réduire la fracture numérique territoriale.
Le FTTH, moteur d’un marché en pleine transition
Les données du premier semestre 2025 confirment la domination du FTTH, dont la part dans le parc Internet fixe est passée de 77,8 % en mars à 79,6 % en juin. Les technologies ADSL et LTE, autrefois majoritaires, poursuivent leur déclin, tandis que les solutions hybrides (BLR, satellite) demeurent marginales. Cette évolution traduit une transition structurelle du marché béninois vers le très haut débit fixe. L’ARCEP y voit le résultat combiné de l’investissement public dans les infrastructures de fibre et de l’ouverture progressive du marché à de nouveaux fournisseurs, après plusieurs années de concentration extrême.
Malgré cette ouverture, la domination de la SBIN demeure écrasante. L’opérateur public détient encore plus de 75 % des abonnements FTTH au premier semestre 2025. Face à lui, les nouveaux venus devront redoubler d’efforts pour conquérir un marché où la fidélité des abonnés et la densité du réseau jouent en faveur des historiques. Mais les premiers chiffres de GVA et Starlink envoient un signal clair : le duopole SBIN–ISOCEL n’est plus seul sur le terrain. Et si leurs parts de marché restent modestes aujourd’hui, leur présence effective dans les statistiques du régulateur marque une inflexion majeure.
L’équation à résoudre est désormais connue : comment faire coexister acteurs publics, privés et satellites dans une dynamique de connectivité inclusive et durable ? Le second semestre 2025 devrait apporter les premières réponses à cette question stratégique pour l’avenir numérique du Bénin.