Votre portail vers l'information stratégique au Bénin, en Afrique et au-delà
Votre portail vers l'information stratégique au Bénin, en Afrique et au-delà

Bénin : 10 choses à savoir sur la nouvelle Constitution adoptée par le Parlement

Gouvernance, La Marina BJ Après une nuit de débats intenses, l’Assemblée nationale du Bénin a adopté la révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Le texte, largement réécrit par la Commission des lois, transforme en profondeur l’architecture institutionnelle du pays. En attendant sa promulgation, voici dix points essentiels pour comprendre ce que contient réellement cette nouvelle Constitution.

1) Le Bénin bascule vers le mandat présidentiel de 7 ans

Le mandat du Président de la République passe officiellement de cinq à sept ans, renouvelable une seule fois, conformément à l’article 42 modifié. La limitation à deux mandats dans une vie demeure intacte. L’article 44 révisé renforce les conditions d’éligibilité : le candidat doit être de nationalité béninoise depuis au moins dix ans, jouir d’une bonne moralité et d’une grande probité, disposer de tous ses droits civils et politiques, avoir entre 40 et 70 ans, être physiquement présent sur le territoire au moment du dépôt de son dossier, présenter un certificat de bien-être physique et mental établi par un collège de trois médecins assermentés, et obtenir un parrainage d’élus.

Une exception est toutefois prévue pour le président sortant et son colistier, qui ne sont pas soumis à l’obligation de parrainage.

2) Députés, maires et conseillers communaux passeront eux aussi à 7 ans de mandat

La réforme harmonise désormais à sept ans la durée des mandats législatifs et locaux, comme l’indiquent les articles 80 et 151 modifiés. Les députés sont élus sur des listes de partis politiques, tout comme les conseillers communaux et municipaux. Une règle nouvelle renforce la discipline partisane : tout élu qui démissionne du parti ayant porté sa candidature perd automatiquement son mandat. Cette disposition vise clairement à limiter la volatilité politique et à renforcer la stabilité des institutions.

3) La “trêve politique” devient une règle constitutionnelle

La Trêve politique, explicitement créée par l’article 5-1 nouveau, constitue l’une des innovations majeures du texte. Elle prend effet dès la proclamation définitive de l’élection présidentielle et s’étend jusqu’aux douze mois précédant la prochaine année électorale. Durant cette période, l’animation politique à finalité compétitive est interdite : les partis doivent orienter leur action vers la stabilité institutionnelle et la continuité de l’État. L’opposition est tenue de formuler des critiques constructives accompagnées de propositions alternatives.

Un Pacte de responsabilité républicaine peut être conclu entre le gouvernement et les partis politiques pour encadrer cette période. Le Sénat veille à l’application stricte de cette trêve, conformément à sa mission inscrite à l’article 113-1. L’objectif affiché est d’en finir avec les campagnes électorales permanentes.

4) Création d’un Sénat : une nouvelle chambre pour réguler la vie politique

Le Parlement devient officiellement bicaméral, avec l’introduction du Sénat à travers le nouvel article 79 modifié. Cette institution, dont les attributions sont définies aux articles 113-1 à 113-6, est chargée de la régulation de la vie politique, de la préservation de la stabilité, de la continuité de l’État et de la paix nationale. Elle veille notamment au respect de la Trêve politique et au déroulement apaisé du changement de régime et de la transmission du pouvoir, comme mentionné à l’article 113-3. L’article 57 révisé renforce considérablement son rôle dans le processus législatif : il peut solliciter une seconde lecture d’une loi votée, et la promulgation ne peut intervenir tant que ni le Président de la République ni le Sénat ne s’y opposent dans les délais.

En cas de blocage, la Cour constitutionnelle rend la loi exécutoire. En situation d’urgence, les délais de réponse des différentes institutions sont réduits.

5) Un pouvoir clé du Sénat : l’« avis de non-objection »

Le nouvel article 113-2 introduit un mécanisme déterminant : l’avis de non-objection. Avant la promulgation de certaines lois sensibles — notamment celles de nature constitutionnelle, électorale ou relatives aux partis politiques — le Sénat doit rendre un avis explicite. Celui-ci dispose de trente jours pour notifier une objection adoptée à la majorité des deux tiers. À défaut de réponse dans les délais, l’avis est réputé favorable.

Le Sénat peut également demander une seconde lecture de toute loi émanant de l’Assemblée nationale, à l’exception des lois de finances, des lois de règlement et des lois-programmes. Cette nouvelle prérogative en fait un acteur incontournable du processus législatif.

6) Une composition mixte : membres de droit et membres désignés

Le Sénat présente une organisation plurielle, définie par l’article 113-3. Il est composé de membres de droit, notamment les anciens présidents de la République, de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle ayant exercé au moins la moitié de leur mandat. À ces membres s’ajoutent cinq personnalités issues du haut commandement des forces de défense et de sécurité, désignées par le Président de la République. Si le total des membres de droit n’atteint pas le seuil minimum de vingt-cinq, des membres complémentaires sont désignés conjointement par le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale.

L’article 113-4 fixe la limite d’âge à 85 ans, mais prévoit une dérogation transitoire permettant aux premiers membres de siéger jusqu’à 95 ans. Les sénateurs, soumis à une stricte obligation de réserve, ne peuvent être ni acteurs ni partisans politiques.

7) Le droit de propriété est renforcé

L’article 22 modifié sécurise davantage la propriété immobilière. Désormais, nul ne peut être privé d’un bien immeuble que si cette propriété repose sur un titre administratif ou judiciaire valable, et uniquement pour cause d’utilité publique, avec un dédommagement juste et préalable. Cette clarification vise à réduire les litiges fonciers récurrents et à encadrer strictement les procédures d’expropriation, dans un contexte où les conflits immobiliers sont fréquents au Bénin.

8) La procédure de promulgation des lois devient plus encadrée

L’article 57, complètement réécrit, instaure une procédure de promulgation plus rigoureuse. Le Président de la République ne peut promulguer une loi qu’après s’être assuré que le Sénat n’a pas demandé de seconde lecture, ce qui implique un échange institutionnel formalisé. Si ni le Président ni le Sénat ne s’y opposent, la promulgation intervient dans un délai de quinze jours, réduit à sept en cas d’urgence. En l’absence de promulgation dans les délais, la loi devient exécutoire sur décision de la Cour constitutionnelle.

En cas de seconde lecture sollicitée par le Président de la République ou par le Sénat, un nouveau circuit s’ouvre, comprenant une double délibération entre l’Assemblée nationale et le Sénat. La délibération finale, qu’elle émane de l’Assemblée ou du Sénat, doit ensuite être promulguée dans les délais prévus, faute de quoi la Cour constitutionnelle l’exécute. Cette nouvelle architecture encadre étroitement les pouvoirs du chef de l’État en matière législative.

9) Les compétences de la Cour constitutionnelle sont réorganisées

L’article 114 modifié réaffirme la Cour constitutionnelle comme la plus haute juridiction en matière constitutionnelle et comme organe régulateur du fonctionnement des institutions. L’article 117 élargit le champ de ses contrôles : lois organiques, règlements intérieurs de l’Assemblée nationale, du Sénat, de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, ainsi que du Conseil économique et social. Elle reste compétente pour statuer sur la constitutionnalité des lois et actes touchant aux droits fondamentaux, sur les conflits d’attribution entre institutions, sur la régularité des élections législatives et sur l’ensemble du contentieux du duo Président–Vice-Président. L’article 121-1 consacre la possibilité, pour tout citoyen, de saisir directement la Cour ou de soulever une exception d’inconstitutionnalité devant une juridiction.

L’article 121-2 impose que toute requête individuelle soit déposée dans un délai de trente jours après la publication du texte contesté. Enfin, l’article 122 nouveau précise les limites du contrôle : la Cour ne peut intervenir sur des actes dépourvus de caractère réglementaire ou administratif et n’a pas compétence pour réaliser un contrôle de légalité.

10) Une refonte plus large de l’État

Au-delà des mesures emblématiques, la révision consacre une restructuration plus large de l’État. L’instauration du bicamérisme, la création ou la reconfiguration d’organes comme le Conseil national de défense et de sécurité (articles 62, 62-1 et 62-1-1), ainsi que le nouveau rôle du Sénat dans la stabilité institutionnelle, traduisent une volonté de recentrer l’appareil politique autour de la continuité, de la sécurité nationale et de la consolidation démocratique. L’article 68 révisé encadre plus strictement l’usage des pouvoirs exceptionnels, en imposant une consultation élargie incluant désormais le Président du Sénat. Les dispositions transitoires permettent l’installation progressive du Sénat, notamment en ce qui concerne les limites d’âge.

En somme, cette révision constitutionnelle marque un tournant majeur pour le Bénin : passage au septennat présidentiel, avènement d’un Sénat aux pouvoirs étendus, redéfinition du rôle des partis politiques, nouveau mécanisme d’encadrement de la promulgation des lois et consolidation du pouvoir judiciaire. Dès sa promulgation, un nouveau cycle politique s’ouvrira, avec des institutions profondément remodelées pour les décennies à venir.

Restez connectés à l’actualité en temps réel en rejoignant notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer : actus exclusives, alertes, et bien plus encore.

Partager cet article
Lien partageable
Précédent

Agrégation CAMES 2025 : cinq universitaires béninois qualifiés pour la dernière épreuve

Suivant

BRVM – Actions : la BIIC Bénin confirme sa résilience en clôture de semaine

Comments 1
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Lire article suivant