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Cession de bail et dettes locatives au Bénin : ce que la justice accorde (et refuse) aux nouveaux propriétaires

Immobilier, La Marina BJDans un récent jugement rendu public, le Tribunal de commerce de Cotonou a marqué une frontière nette dans l’application du droit locatif commercial béninois. L’affaire opposant S. T. à Moov Africa Bénin S. A. n’était pas un simple contentieux de loyers impayés, elle soulevait une question de fond, presque doctrinale. Une question dont la réponse intéresse banquiers, promoteurs immobiliers, opérateurs économiques et gestionnaires d’actifs : lorsqu’un droit au bail change de main, les impayés accumulés par le locataire suivent-ils automatiquement le bien ou restent-ils attachés à l’ancien propriétaire ? Le tribunal y répond sans la moindre ambiguïté.

Le feuilleton commence bien avant la confrontation judiciaire : un bail qui circule, des loyers qui s’accumulent et s’enlisent. D’après les faits exposés au procès, un local commercial à Cotonou est initialement loué à Moov Africa Bénin sous contrat avec une société dénommée World Link. Après des difficultés financières, ce droit au bail est adjugé à la Société Générale du Bénin. Rien d’anormal, jusqu’à ce que la banque le cède en septembre 2024 à Mme S. T., qui devient alors la nouvelle bailleresse. À son arrivée, les comptes affichent déjà près de 23,4 millions FCFA d’impayés correspondant à deux années de loyers dus par Moov Africa.

Estimant que ce montant lui revient de plein droit, Mme S. T. engage une action en justice, réclame l’expulsion de Moov Africa Bénin et sollicite des dommages-intérêts. À la barre, l’opérateur GSM reconnaît un retard de paiement mais conteste frontalement la créance réclamée : seuls les loyers postérieurs au transfert, dit-il, peuvent relever de la nouvelle propriétaire. Le décor est posé : deux lectures du droit, deux logiques économiques, et un arbitrage déterminant du juge.

Succession d’obligations, mais pas succession de créances

Le tribunal tranche avec une rigueur qui ne laisse place à aucune interprétation extensive. Si le bail peut changer de titulaire, les arriérés de loyers demeurent la propriété du bailleur précédent — sauf clause contractuelle contraire, inexistante dans le cas en espèce. Le Tribunal de commerce de Cotonou, sous la présidence du juge Aimé Mozart ElisHA, considère donc que la période antérieure à la cession (oct. 2022 – sept. 2024) ne peut être revendiquée par la nouvelle propriétaire.

Sur la période suivant la cession, Moov Africa prouve avoir réglé plus de 6,3 millions FCFA, paiement jugé libératoire. Résultat : aucune expulsion, aucune résiliation, aucun dommage-intérêt. La procédure engagée par la nouvelle bailleresse s’effondre juridiquement, et elle est condamnée aux dépens.

L’acquéreur n’hérite pas du passé

Cette décision porte une leçon majeure pour les investisseurs engagés dans l’acquisition de baux commerciaux. Une créance locative n’est pas automatiquement transmise avec le bail : l’on peut devenir propriétaire des droits sans récupérer les dettes locatives associées. Les arriérés ne se transfèrent pas plus que les murs ne suivent le locataire. La justice béninoise, sauf décision contraire en appel, rappelle ainsi que la transmission d’un bail ne vaut continuité que pour l’avenir, jamais rétroactivement sur les dettes déjà constituées.

Comme l’explique l’un de nos spécialistes à la rédaction, gestionnaire locatif à Bénin Immo Connect « Si la nouvelle propriétaire avait négocié et inclus une clause de reprise des créances dans l’acte de cession, elle aurait pu légitimement les réclamer et peut-être obtenir gain de cause. »

Pour les acteurs du marché, le message est que, acquérir un bail ne permet pas de réclamer des loyers antérieurs. Et pour espérer recouvrer un passif ancien, il faudra négocier directement avec l’ancien bailleur ou intégrer explicitement la créance dans la cession — faute de quoi, l’histoire financière reste là où elle a débuté.

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