Justice, La Marina BJ – L’annonce, à l’issue du Conseil des ministres du 15 octobre 2025, de la création de la Commission nationale de Réforme du Droit cachait, en réalité, l’abrogation de deux décrets (2007 et 2010) hérités de l’ancien régime et d’un décret (2020) pris sous l’actuelle gouvernance. Loin d’une simple réorganisation technique, cette décision traduit un repositionnement profond de l’architecture normative nationale. En instituant un organe unique pour remplacer plusieurs structures aux missions dispersées, l’État béninois engage une nouvelle manière de concevoir, de structurer et de piloter le droit. Décryptage.
La création de la Commission nationale de Réforme du Droit met fin à quinze années de gouvernance juridique fragmentée, assurée par trois entités distinctes : la Commission de législation et de codification de 2007, la Commission d’étude des textes OHADA de 2010 et le Comité chargé de l’examen préalable des conventions internationales institué en 2020. Bien que complémentaires, ces organes souffraient de mandats éclatés, de chevauchements et d’une coordination limitée.
En fusionnant leurs attributions au sein d’une structure unique, dotée d’un mandat transversal couvrant l’ensemble du droit interne, communautaire et international, le gouvernement béninois opère une rupture majeure. Cette unification permet une lecture consolidée du droit positif, une coordination renforcée et une capacité de réaction accrue face aux exigences normatives.
De la dispersion à l’intégration : un choix de gouvernance assumé
En regroupant au sein d’une seule institution les missions auparavant éclatées, l’exécutif affirme un choix clair : faire du droit un outil intégré de pilotage de l’action publique. Les fonctions traditionnelles — avis sur les projets de lois, analyse des textes réglementaires, examen des normes OHADA, évaluation des engagements internationaux — sont maintenues, mais désormais articulées par une plateforme unique, capable de produire des analyses transversales et une cohérence normative renforcée. Il ne s’agit pas d’un simple ajustement administratif : la réforme répond à la nécessité de rationaliser la chaîne normative, d’éviter les contradictions entre textes, et d’équiper l’État d’un dispositif adapté aux exigences contemporaines de gouvernance juridique.
La nouvelle Commission rompt avec les formats pléthoriques qui caractérisaient notamment la structure de 2007, composée de plusieurs dizaines de représentants issus de divers corps professionnels, syndicaux ou religieux. Elle adopte une architecture resserrée, articulée autour d’un Comité permanent, d’un Comité d’experts associés et de comités ad hoc, privilégiant une expertise plus pointue et une réactivité accrue.
L’intégration du Coordonnateur de la Cellule juridique de la Présidence en tant que commissaire du gouvernement illustre ce repositionnement : la réforme normative se trouve désormais enchâssée au cœur du processus décisionnel. Cette configuration allège les lourdeurs, réduit les interférences institutionnelles et ancre la production normative dans un cadre d’expertise resserré, mieux aligné sur la stratégie gouvernementale.
Une réforme technique aux effets politiques assumés ?
Au-delà de la reprise des missions antérieures, la nouvelle structure se voit confier un mandat élargi, incluant l’accompagnement des négociations contractuelles engageant l’État, l’analyse juridique de projets complexes, la prévention des contentieux et la conduite d’études prospectives intégrant les évolutions sociales et économiques. Ce repositionnement marque un changement profond : la Commission n’est plus uniquement chargée de vérifier la conformité des textes, mais devient un outil structurant de prévision, de sécurisation et d’accompagnement des grands projets publics.
Dans un contexte international et régional en mutation, cette capacité d’anticipation normative s’avère déterminante pour consolider la sécurité juridique des décisions gouvernementales.
Présentée comme une réforme technique, la mesure redessine pourtant en profondeur les équilibres institutionnels. En centralisant la production du droit dans un organe unique et en le connectant directement au sommet de l’État, elle clarifie les responsabilités, réduit la dispersion décisionnelle et renforce la cohérence entre action publique et production normative. Cette reconfiguration s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation étatique, où le droit ne se limite plus à être un simple instrument d’accompagnement, mais devient un levier stratégique de performance institutionnelle et de consolidation de l’autorité publique.
Un changement d’échelle qui s’inscrit dans la durée
La Commission nationale de Réforme du Droit consacre le passage d’un modèle fragmenté à une gouvernance normative intégrée, capable de répondre aux défis contemporains du Bénin. En renforçant la cohérence du droit, en accélérant la production normative et en dotant l’État d’une capacité d’anticipation accrue, l’exécutif opère un véritable changement d’échelle.
Cette réforme dépasse largement la simple mise à jour institutionnelle : elle initie, au delà de l’annonce du relevé du conseil des ministres, une nouvelle conception du rôle du droit dans la construction, la sécurisation et la performance de l’action publique béninoise.
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