Dans une interview accordée au journaliste Florent Ahotondji, Ganiou Soglo, économiste financier, a lancé une critique acerbe contre les agences de notation financière avec lesquelles le gouvernement béninois collabore. Selon l’opposant au régime de Patrice Talon, ces agences ne reflètent pas fidèlement la réalité économique du pays et présentent des évaluations trompeuses.
Les illusions de la croissance
Le gouvernement béninois affiche un taux de croissance de 6%, se vantant d’une économie en plein essor. Cependant, Ganiou Soglo tire la sonnette d’alarme. “Comment peut-on concilier un taux de croissance aussi élevé avec un Indice de Développement Humain (IDH) aussi faible ?” s’interroge-t-il. Pour lui, ces chiffres cachent une vérité inquiétante : une croissance économique qui ne profite pas équitablement à la population, avec des bénéfices concentrés entre les mains de quelques privilégiés.
Des méthodes de notation contestées
Le fils de l’ancien président Nicéphore Soglo s’appuie sur le rapport du Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP), publié le 12 juillet 2023, qui soutient ses critiques. Ce rapport reproche aux agences de notation internationales comme Fitch, Standard & Poor’s (S&P) et Moody’s leurs méthodes superficielles. Basées en Europe et aux États-Unis, ces agences se reposent sur des données partielles et souvent obsolètes, recueillies à distance. Elles se contentent de “visites de courte durée” et de discussions virtuelles, négligeant les informations cruciales accessibles uniquement par une présence prolongée sur le terrain.
Une vision distordue de la réalité
Ganiou Soglo déplore que ces agences, malgré leurs méthodes défaillantes, exercent une influence considérable sur les décisions d’investissement. Il critique également la compréhension limitée des notations financières par les intellectuels et décideurs béninois. Les classifications telles que “B+” ou “BB avec perspective stable” sont souvent mal interprétées, entraînant des décisions économiques inappropriées. “Ces agences sont chèrement payées pour des évaluations que peu comprennent véritablement”, insiste-t-il.
Un appel à une évaluation plus nuancée
Pour Ganiou Soglo, il est urgent de repenser les méthodes d’évaluation économique. Il appelle à une approche plus intégrée et locale, impliquant une collecte de données plus rigoureuse et une analyse plus fine des indicateurs de développement humain. Cette réévaluation permettrait de dresser un portrait plus fidèle de la situation économique et sociale du Bénin. Lors des assemblées générales de la Banque Africaine de Développement (BAD) tenues le 31 mai à Nairobi, l’idée a été évoquée avec comme proposition la création d’une agence de notation financière propre à l’Afrique. Pour le président de la BAD, Akinwumi Adesina, les évaluations biaisées des agences de notation internationales coûtent à l’Afrique plus de 75 milliards de dollars en service de la dette.
Vers une réalité économique plus juste?
Les propos de Ganiou Soglo invitent à une réflexion profonde sur la dépendance aux agences de notation internationale et leur capacité à refléter fidèlement la réalité économique des pays africains. Pour le Bénin, il ne s’agit plus de se satisfaire de notes flatteuses mais superficielles. Une approche plus rigoureuse et contextuelle est nécessaire pour assurer une croissance inclusive et durable, réellement bénéfique pour toute la population.
Le débat est ouvert, et la voix de Ganiou Soglo, en dépit de son statut d’opposant au régime, résonne comme un appel à la vigilance et à la responsabilité dans l’évaluation et la gestion de l’économie béninoise.