Justice, Bénin – Alors que l’affaire devait opposer deux sociétés, à savoir le demandeur JENCOSMAS SARL et, en défendeur, le représentant légal de la société CONTINENTAL BTP, ce dernier a décidé, à travers une assignation, de faire intervenir au procès, en vue de leur condamnation au paiement , l’ex-président de la HAAC, Rémi Prosper MORETTI, ainsi que les anciens conseillers de la précédente mandature de la HAAC : Cécile Ahounenou, Fernand Gbaguidi, Marianne Domingo, Ali Camarou et Franck Kpotcheme, devant le tribunal de commerce de Cotonou.
De quoi s’agit-il ?
Le demandeur initial, la société JENCOSMAS SARL, dans son assignation, demande qu’on condamne le commerçant exerçant sous l’enseigne des établissements CONTINENTAL BTP au paiement, à son profit, de la somme de quatorze millions cent trente-cinq mille six cent trente-sept (14 135 637) francs CFA pour la livraison de divers mobiliers. Le montant total du marché s’élevait à dix-huit millions deux cent trente-neuf mille neuf cent trois (18 239 903) francs CFA, dont seulement huit millions de francs CFA ont été payés en février 2021. Par conséquent, il réclame non seulement le solde restant, mais aussi des dommages et intérêts de trois millions huit cent quatre-vingt-quinze mille sept cent trente-quatre (3 895 734) francs CFA au titre des intérêts de novembre 2021 à fin décembre 2023.
Mais pour le défendeur monsieur Aboubakari MAMA DJIMA , représentant légal de la société CONTINENTAL BTP, l’ex-président de la HAAC, Monsieur Rémi Prosper MORETTI, et six autres conseillers de la sixième mandature de la HAAC sont les véritables destinataires des mobiliers, à travers un marché public lancé par la 6eme mandature de la HAAC, qu’il a entièrement exécuté et pour lequel il reste encore une dette de sept millions quatre cent cinquante-sept mille cinq cent quarante-cinq (7 457 545) francs CFA.
Devant le tribunal de commerce de Cotonou, il explique “Qu’adjudicataire d’un marché d’équipement en mobiliers de la HAAC, il a, à la demande de Monsieur MORETTI et des conseillers, commencé à livrer sur la base d’une simple liste avant la signature des contrats définitifs ;
Que ces contrats, signés le 8 janvier 2021, n’ont finalement pas repris tous les articles livrés à Monsieur MORETTI, lequel s’était engagé à en supporter le surplus, soit huit millions neuf cent trois mille trois cent quatre-vingt-quinze (8 903 395) francs CFA ; Que les conseillers ont également réclamé des fauteuils en cuir au lieu du simili-cuir prévu, acceptant d’en payer le surcoût de trois cent quarante-six mille six cent dix (346 610) francs CFA chacun.”
Il poursuit en affirmant “Que Monsieur MORETTI reste personnellement débiteur de la somme de sept millions trois cent vingt mille six cent quatre-vingt-quinze (7 320 695) francs CFA, représentant le coût des matériels et mobiliers installés à son domicile de fonction à Cotonou, et d’un million cinq cent quatre-vingt-deux mille sept cents (1 582 700) francs CFA, représentant le coût des matériels et mobiliers installés à sa résidence à Kandi, soit au total huit millions neuf cent trois mille trois cent quatre-vingt-quinze (8 903 395) francs CFA ; Qu’en conséquence, Monsieur MORETTI doit être condamné à payer à JENCOSMAS SARL la somme de sept millions quatre cent cinquante-sept mille cinq cent quarante-cinq (7 457 545) francs CFA, en lieu et place de la société CONTINENTAL BTP SARL,” dont il est le représentant légal.
La défense des intervenants forcés
Pour sa défense, l’ex-président de la HAAC, qui a comparu par mandataire, évoque l’incompétence matérielle du tribunal de commerce, en soutenant qu’ “Aux termes des articles 140 et 141 du Code des marchés publics, en cas de litige dans l’exécution d’un marché public, la juridiction compétente est prioritairement celle choisie par les parties. À défaut, un règlement amiable ou un arbitrage est prévu, et en dernier lieu, la juridiction administrative. Qu’en l’espèce, l’article 13 des contrats de marché en cause prévoit qu’en cas de différend, les parties privilégieront d’abord un règlement amiable, puis, en cas d’échec, l’arbitrage de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP), avant de saisir, en dernier recours, la juridiction administrative ; Qu’il s’agit d’une clause contractuelle faisant loi entre les parties, qui soumet le litige né de l’exécution du marché successivement à un règlement amiable, un arbitrage et, en dernier lieu, au juge administratif ;
Que le tribunal de commerce, directement saisi en violation de ces stipulations contractuelles et des articles 140 et 141 précités, est donc matériellement incompétent s’agissant d’un contentieux de marché public relevant par essence du juge administratif ; Qu’il s’agit d’une incompétence d’attribution qui s’impose à lui et doit être sanctionnée en application des articles 173 et 178 du Code de procédure civile.”
De son côté, Fernand GBAGUIDI, ancien conseiller de la HAAC et intervenant forcé, qui a aussi comparu par mandataire, demande au tribunal de se déclarer incompétent. Il sollicite également le rejet de la demande de la société CONTINENTAL BTP SARL visant à le voir condamné au paiement d’une somme d’argent. Il affirme qu’il est tiers aux contrats de marché et demande à être mis hors de cause. Quant aux autres conseillers de la HAAC, ils n’ont pas comparu à l’audience.
Le verdict du tribunal
Malgré l’absence de certains anciens conseillers et la comparution par mandataire d’autres, la présidente de céans, la magistrate Édith Orunla BIAOU, à travers un jugement prononcé en matière commerciale et en premier ressort le 16 janvier 2025 tout en déclarant la recevabilité de l’Action et la compétence du tribunal de commerce, de condamner l’ex-président de la HAAC, Monsieur Rémi Prosper MORETTI, à payer à la société JENCOSMAS SARL la somme de huit millions neuf cent trois mille trois cent quatre-vingt-quinze (8 903 395) francs CFA, avec intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure.
Le tribunal condamne également La société CONTINENTAL BTP SARL à payer à la société JENCOSMAS SARL la somme d’un million trois cent trente-six mille cinq cent huit (1 336 508) francs CFA, avec intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure ; En ce qui concerne les anciens conseillers Fernand GBAGUIDI, Ali CAMAROU et Franck KPOCHEME à payer chacun à la société CONTINENTAL BTP SARL la somme de trois cent quarante-six mille six cent dix (346 610) francs CFA, au titre du surcoût des mobiliers et équipements complémentaires livrés à leur demande, avec intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure.
En revanche, les anciens conseillers Cécile AHOUNENOU, Marianne DOMINGO et Bastien SALAMI, ayant procédé au paiement des sommes dues pour les mobiliers supplémentaires livrés à leur demande respectivement le 25 janvier 2024, le 5 juin 2024 et le 20 avril 2023, sont mis hors de cause par le tribunal.