Diplomatie, Bénin – Lors du Conseil des ministres du 26 février 2025, le gouvernement béninois a officialisé la nomination de Jean-Marie Zinsou en tant qu’ambassadeur du Bénin en Inde. Après près de neuf ans d’absence diplomatique à New Delhi, cette décision vient refermer une parenthèse qui, au fil des années, s’est révélée être une anomalie diplomatique stratégique. Derrière cette annonce, plusieurs indices laissaient entrevoir un réajustement inévitable, tant l’Inde s’est affirmée comme un partenaire incontournable pour le Bénin.
L’histoire de cette absence diplomatique remonte à 2016, année charnière où le Chef de l’État Patrice Talon, fraîchement élu, engage une restructuration du réseau diplomatique béninois. Jugées trop coûteuses, certaines représentations diplomatiques sont fermées, parmi lesquelles l’ambassade du Bénin en Inde. Officiellement, il s’agissait d’une mesure de rationalisation des finances publiques. L’ambassade du Bénin à Pékin récupère alors la charge de la diplomatie béninoise en Inde, un choix qui, sur le papier, semblait optimisé, mais qui, dans les faits, s’est vite révélé limitant.
Un partenaire qui n’a jamais cessé de tendre la main
En dépit de cette fermeture, l’Inde a multiplié les signes de rapprochement, preuve de l’importance stratégique qu’elle accorde au Bénin. Tout d’abord la visite du président indien Ram Nath Kovind à Cotonou en 2019 marquait un tournant. Premier chef d’État indien à se rendre au Bénin, il apportait dans ses valises une ligne de crédit de 100 millions de dollars et plusieurs accords de coopération, dont la possibilité pour les Béninois d’obtenir leur visa en ligne pour l’Inde. Cette visite intervient dans un contexte où les échanges économiques entre les deux pays s’intensifient. l’Inde supplantait sa grande rivale, la Chine, en matière commerciale.
Ensuite, en 2022-2023, le volume du commerce bilatéral atteint 1,34 milliard de dollars, faisant de l’Inde le premier fournisseur du Bénin et son deuxième partenaire commercial à l’exportation. À elle seule, l’Inde absorbe une part considérable du soja et du bois béninois, tandis qu’elle inonde le marché béninois de riz et de médicaments. Selon les données de l’INStaD Bénin sur le premier semestre 2024, les exportations béninoises vers l’Inde ont atteint 36 milliards de FCFA, notamment grâce au soja et au bois. À l’importation, l’Inde domine le marché béninois, fournissant 81,2 milliards de FCFA de riz ainsi que des médicaments et des équipements industriels essentiels.
L’absence d’une représentation diplomatique béninoise à New Delhi ne passe plus inaperçue. Si les affaires continuent de prospérer, la diplomatie, elle, fonctionne au minimum. Pour les investisseurs indiens, l’absence d’un interlocuteur direct complique les démarches et freine d’autres implantations industrielles.
Les signaux avant-coureurs d’un retour diplomatique
L’idée d’un retour du Bénin en Inde commence à se dessiner progressivement dès la nomination du ministre Olushegun Bakari à la tête de la diplomatie béninoise. En premier lieu son déplacement en Inde en décembre 2023 où il a été reçu en audience par son homologue indien, Subrahmanyam Jaishankar. En juin 2024, la troisième série de consultations bilatérales entre les ministères des Affaires étrangères des deux pays s’est tenue à Cotonou. Au programme, des discussions autour du commerce, de la formation, et des investissements. La tenue de cette rencontre sur le sol béninois n’est pas anodine. Elle traduit un regain d’intérêt du gouvernement béninois pour sa relation avec l’Inde. Plus encore, la décision d’organiser la prochaine session à New Delhi est perçue comme un signe avant-coureur d’un réengagement diplomatique.
Dans les milieux économiques, ce rapprochement est vu comme une nécessité. L’Inde, qui compte déjà plus de 90 entreprises installées au Bénin, attend un cadre plus structuré pour renforcer sa présence. Le retour d’un ambassadeur béninois à New Delhi devient dès lors une question de timing. Et une autre preuve, les félicitations du président Patrice Talon sur sa page Facebook à l’endroit de Narendra Modi après sa victoire aux élections législatives indiennes.
Correction d’une erreur diplomatique avant 2026
Loin d’être un simple acte administratif, la nomination de Jean-Marie Zinsou s’inscrit dans une vision diplomatique à long terme. Ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, il est un choix stratégique pour redonner du poids à la diplomatie béninoise sur place. Bien que démis de son poste à l’arrivée du ministre actuel Olushegun Bakari, Jean-Marie Zinsou retrouve la confiance de ce dernier grâce à son expérience et son réseau nécessaires pour mener cette mission de redressement diplomatique.
Au-delà donc du simple fait de nommer un représentant à New Delhi, ce retour marque une correction assumée d’un choix diplomatique qui, avec le recul, a montré ses limites. Près de neuf ans plus tard, le contexte a changé et même bien avant. Le Bénin, de plus en plus intégré aux circuits économiques mondiaux, ne peut se permettre d’être sous-représenté dans une puissance économique comme l’Inde.
À moins de deux ans de la fin de son second et dernier mandat, le président Patrice Talon semble vouloir repositionner le Bénin sur l’échiquier international. Avec cette décision de réouverture diplomatique en Inde, le pays fait le choix de la présence, de l’influence et de l’accompagnement des intérêts économiques béninois à l’international. Un choix qui, à terme, pourrait être étendu à d’autres pays stratégiques où le Bénin gagnerait à renforcer sa visibilité diplomatique.
