Fiscalité, Bénin – Hausse de la TPS, rigidité de la TVA, calcul contesté de l’AIB etc. Le Groupe de travail Fiscalité (GTF) du secteur privé béninois appelle à un aggiornamento du cadre fiscal. Une réforme de fond, à initier avant l’adoption de la loi de finances 2026.
C’est une offensive structurée. À l’approche des discussions budgétaires pour l’année prochaine, le Groupe de travail Fiscalité (GTF) du secteur privé béninois dévoile sa plateforme 2025 : un document stratégique qui appelle à la refonte de plusieurs dispositifs du Code général des impôts. Portée par les principales organisations patronales – CCI Bénin, CIPB, CNP Bénin, AFACEB, ADEX –, cette plateforme, nourrie d’audiences de terrain, dresse un état des lieux sans concession des incohérences fiscales qui freinent l’investissement et pénalisent la compétitivité des entreprises.
Le but est de convaincre le gouvernement et les parlementaires d’intégrer les propositions dans la prochaine loi de finances. Avec, en toile de fond, une exigence claire : sortir d’un système fiscal jugé « obsolète, rigide et punitif ».
TVA, TPS, AIB : trois symboles d’un système à bout de souffle
Symbole de cette rigidité, selon le GTF, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), appliquée sans distinction à la production locale comme aux produits importés. Dans le secteur agroalimentaire en particulier, les filières de transformation pâtissent d’un manque de compétitivité, asphyxiées par un impôt censé frapper la consommation mais qui finit par pénaliser la production.
La plateforme s’appuie sur un exemple emblématique : l’ananas béninois. Selon le Programme national de développement de la filière, moins de 2 % de la production est exportée en frais vers l’Union européenne, 55 % est écoulée dans la sous-région, et seule une fraction marginale est transformée pour le marché local. Or, les produits transformés localement subissent la TVA, tandis que des produits importés sont parfois subventionnés dans leur pays d’origine. Résultat : les transformateurs béninois sont doublement perdants. Le GTF propose donc d’exonérer de TVA la transformation et la commercialisation des produits cultivés au Bénin. Une mesure à la fois économique, sociale et stratégique.
Même constat pour la taxe professionnelle synthétique (TPS), réformée en 2021 et aujourd’hui appliquée à un taux unique de 5 % sur les recettes des microentreprises. Le GTF dénonce une taxe « suicidaire » et « confiscatoire », déconnectée des réalités du terrain. Il recommande une réduction à 2 %, plus cohérente avec l’objectif de formalisation des petits acteurs économiques.
L’acompte sur l’impôt sur les bénéfices (AIB) fait aussi l’objet de critiques dans le document. Appliqué de manière inégale, selon le GTF, il alimente une spirale de crédits non remboursés, de contentieux et d’insécurité juridique. Le GTF propose de reformuler l’article 133-4 du CGI comme suit : « Le montant des acomptes sur impôt assis sur les bénéfices qui n’a pu être intégralement déduit au 31 décembre est imputé en l’acquit de l’impôt sur les bénéfices, des acomptes ultérieurs et des arriérés d’impôt sur les bénéfices, s’il en existe. Les acomptes imputables qui n’ont pas été pris en compte au titre du mois de prélèvement peuvent être mentionnés sur les déclarations déposées au plus tard le 30 avril de l’année suivante. Lorsqu’il subsiste un crédit d’acompte, il est imputé sur la déclaration du mois de mai. Après cette dernière imputation, le crédit restant peut faire l’objet d’un remboursement à la demande du contribuable. »
Toujours sur l’AIB, le secteur privé béninois souhaite une harmonisation. « Le différentiel de 2 % permet de régler un problème de trésorerie et de favoriser l’investissement », indique la plateforme. Ainsi, le GTF propose d’inscrire dans le Code général des impôts que : « Le taux de l’AIB est fixé à 1 % pour tous les contribuables immatriculés à l’IFU et à 5 % pour les non-immatriculés. »
Pharmacies, BTP, carrières : vers une fiscalité de terrain
Le secteur pharmaceutique est également dans la ligne de mire. Le taux de marge forfaitaire de 30,8 %, fixé par un arrêté interministériel datant de 2002, est encore utilisé comme référence lors des redressements fiscaux. Il ne tient pourtant aucun compte des pertes, avaries ou remises commerciales. Le GTF réclame sa révision à la baisse – à 26 % – et l’actualisation urgente de la monographie sectorielle, vieille de plus de deux décennies.
Autre point d’achoppement : le traitement fiscal des ristournes commerciales. Aujourd’hui, lorsqu’elles sont octroyées sous forme de produits, elles sont intégrées dans les bases de reconstitution du chiffre d’affaires comme de supposés « achats déguisés ». Le GTF demande que ces avantages soient reconnus comme des bonifications de fidélisation et, à ce titre, exclus des redressements.
Du côté du BTP, la réalité est tout aussi complexe. Dans les zones reculées, la facturation normalisée s’avère difficile, voire impossible à respecter. Pour éviter les redressements arbitraires, le GTF propose de fixer un taux de marge sectoriel, négocié avec l’administration fiscale, afin de permettre une comptabilité plus sincère et vérifiable.
Les exploitants de carrières, quant à eux, dénoncent l’iniquité du mode de calcul de la Contribution au développement local (CDL). Les substances silteuses, de catégorie A, sont taxées au mètre cube, tandis que les substances des catégories B et C le sont au camion. Le secteur privé préconise l’harmonisation du calcul en adoptant une unité commune : le camion transporté. À défaut, le point 18 de l’article 300 du Code général des impôts devrait être modifié comme suit : « 2 000 à 5 000 francs par camion de substances de carrières transportées relevant des catégories A, B et C du Code minier. »
Une fiscalité tournée vers la croissance ?
Au total, ce sont onze propositions majeures qui composent la plateforme 2025. Au-delà des aspects techniques, c’est une vision globale que le secteur privé souhaite faire émerger : une fiscalité plus lisible, plus équitable, et davantage tournée vers la croissance.
Parmi les recommandations phares figurent la création d’un statut fiscal spécifique pour les activités numériques, la digitalisation des procédures de cessation d’activités, ou encore la protection des filières locales à travers des mesures dissuasives contre les importations massives de farines étrangères. « Ce que propose le GTF, c’est une fiscalité de croissance, pas une fiscalité de survie », résume notre spécialiste à la rédaction.
Alors que le Bénin affiche son ambition de moderniser son économie et d’accroître la mobilisation des ressources internes, le secteur privé, lui, appelle à un partenariat fiscal plus équilibré. Ni contestataire, ni complaisante, la plateforme du GTF se veut une main tendue vers une réforme lucide, ambitieuse et inclusive. Reste à savoir si les autorités béninoises auront le courage politique d’en faire un levier de transformation réelle.