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Bénin – Marché locatif : la face cachée des annonces immobilières

Immobilier, La Marina BJSur le marché locatif béninois, trouver un logement relève parfois du parcours du combattant. En apparence, l’offre abonde : pages Facebook débordantes d’annonces, groupes WhatsApp où circulent quotidiennement des dizaines de photos de chambres, vidéos TikTok mettant en avant des appartements “clé en main”. Mais derrière cette effervescence numérique se cache une réalité bien plus complexe : près de trois quarts des annonces ne proviennent pas des agents immobiliers ou démarcheurs qui les publient.

Ce constat, issu de nos immersions récentes dans l’univers des agents immobiliers du pays, met en lumière un système enchevêtré où règnent improvisation, abus et opacité.

La mécanique d’un marché en cascade

Les agents immobiliers – ou démarcheurs, comme on les appelle au Bénin – fonctionnent en réseaux. Chaque agent est membre de multiples groupes WhatsApp où circulent les mêmes offres, recyclées à l’infini. Dès qu’un bien est relayé, il se retrouve démultiplié sur d’autres pages ou canaux, souvent sans que le véritable détenteur du dossier, c’est-à-dire celui en contact direct avec le bailleur, soit identifié. Résultat : lorsqu’un potentiel locataire appelle pour visiter un logement, le démarcheur contacté n’a que rarement la main sur l’appartement concerné. Il doit alors solliciter un collègue, qui appelle un autre, et ainsi de suite.

« J’ai dû patienter des heures pour visiter un appartement que j’avais repéré en ligne. Au final, on m’a annoncé que la chambre était déjà occupée », raconte Rodrigue, commercial d’un réseau GSM à Abomey-Calavi. Ce système en cascade génère des délais interminables et plonge les locataires dans une spirale d’incertitudes.

Même lorsque le rendez-vous est confirmé et l’appartement disponible, l’expérience demeure chaotique. Le client se rend sur place avec un démarcheur qui, bien souvent, n’a pas lui-même accès au logement. Il faut alors attendre un second, voire un troisième intermédiaire, pour qu’enfin la clé apparaisse. Une situation kafkaïenne qui nourrit l’image d’un secteur désorganisé et peu transparent.

Quand la quête vire à l’arnaque

Au-delà des lenteurs, certains dossiers tournent au cauchemar. Mathilde, fonctionnaire dans un arrondissement de Cotonou, témoigne : « J’ai payé trois mois de caution et trois mois de loyer d’avance, soit près de 300.000 FCFA. Puis, le démarcheur qui devait me remettre les clés a disparu. Plus de réponses aux appels, plus de nouvelles. »

Ces cas d’escroqueries ne sont pas isolés. D’autres locataires dénoncent des promesses non tenues : réparations annoncées et jamais effectuées, plomberie défectueuse, peinture abandonnée. A. Sandra, jeune salariée d’une compagnie d’assurances, en fait encore les frais : « L’agent immobilier m’avait juré que la douche serait remise en état. Deux mois après mon installation, rien n’a changé. » Ces pratiques alimentent un profond sentiment de méfiance et fragilisent davantage encore un secteur déjà marqué par la défiance.

Des commissions illégales banalisées

À cette insécurité juridique s’ajoute une pression financière illégale. La législation béninoise encadre pourtant clairement la commission due aux démarcheurs : elle ne doit pas excéder un demi-mois de loyer. Mais sur le terrain, rares sont ceux qui respectent ce plafond. « On m’a demandé systématiquement un mois entier, sous prétexte que l’argent devait être partagé entre quatre démarcheurs », raconte un étudiant en quête d’un studio. Cette surenchère illégale, devenue pratique courante, ajoute un coût supplémentaire au fardeau déjà lourd des locataires.

Ces dérives ne doivent pas occulter une réalité : dans un pays où la demande de logement croît au rythme de l’urbanisation et de l’expansion démographique, les démarcheurs occupent un rôle central. Ils sont souvent le premier point de contact entre bailleur et locataire, et constituent une courroie de transmission indispensable. Mais faute de formation, d’encadrement effectif et de mécanismes de régulation encore en attente malgré le vote d’une loi, cette intermédiation tourne trop souvent à la jungle.

Le paradoxe est là, les démarcheurs sont à la fois incontournables et sources de désordre. Ils incarnent un marché où la débrouillardise supplée l’absence de professionnalisation.

Quelle issue pour assainir le marché ?

Face à ces dérives, plusieurs pistes s’imposent, selon un agent locatif de Bénin Immo Connect. Pour lui, « il faut déjà mettre en application, une bonne fois pour toutes, les conditions énumérées par l’article 21 de la loi n°2021-02 du 1er février 2021, modifiant et complétant la loi n°2018-12 du 2 juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique en République du Bénin ». Cette disposition exige, entre autres, une modernisation du secteur à travers la délivrance d’une carte professionnelle et la souscription à une police d’assurance.

Au-delà de cet impératif, ajoute-t-il, « il faut une réorganisation des agences de gestion locative, à l’image des ordres professionnels du pays… C’est bien faisable ». Le premier responsable de Bénin Immo Connect affirme disposer déjà d’un projet en ce sens, que son agence compte soumettre prochainement au ministère du Cadre de vie.

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