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Piégée par le délai légal de l’arbitrage, Oryx Énergies reste condamnée à payer 50 millions à un ex-partenaire

Arbitrage, La Marina BJLe temps a joué contre Oryx Énergies Bénin. Engagée dans un bras de fer arbitral avec Trusty Food Distribution, la société pétrolière n’a pas réussi à faire annuler une sentence défavorable. La Cour d’appel de commerce de Cotonou, dessaisie pour dépassement du délai légal, confirme de fait la condamnation de 50 millions de FCFA.

Dans les prétoires de la Cour d’appel de commerce de Cotonou, l’affaire Oryx Énergies contre Trusty Food Distribution aura tenu en haleine plus d’un observateur du monde des affaires. Derrière ce différend se cache un contrat d’exploitation de station-service, signé le 22 octobre 2020, censé symboliser une collaboration gagnant-gagnant entre un fournisseur majeur de produits pétroliers et un opérateur local ambitieux. Trois ans plus tard, cette alliance tourne au litige commercial, révélant les fragilités des partenariats entre multinationales et PME béninoises.

Le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation du Bénin (CAMeC) est alors saisi. Sa sentence du 21 décembre 2023 tranche sans équivoque : la rupture du contrat est imputable à Oryx Énergies Bénin, reconnue responsable du préjudice subi par son partenaire. La société pétrolière est condamnée à verser 50 millions de francs CFA à Trusty Food Distribution, tout en percevant une indemnité symbolique de 500 000 FCFA pour une faute mineure reconnue chez son adversaire.

Un recours pour inverser la sentence arbitrale

Convaincue d’une erreur d’appréciation, Oryx Énergies forme un recours en annulation devant la Cour d’appel de Cotonou le 31 janvier 2024, espérant inverser la décision arbitrale. Mais la société se heurte à la rigueur du droit OHADA.

À l’audience des plaidoiries, la société Trusty Food Distribution SARL, assistée de son conseil Me Pacôme Clitandre Koundé, soulève à titre préliminaire les moyens relatifs au dessaisissement de la Cour et à l’irrecevabilité du recours, fondés respectivement sur l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et sur l’article 1170 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes.

Elle soutient que la première audience en cette affaire ayant été fixée au 28 février 2024, la Cour devait statuer au plus tard le 28 mai 2024, conformément au délai de trois mois prévu par l’article 27. Passé ce délai, la juridiction est automatiquement dessaisie. Trusty Food Distribution ajoute que la Cour n’a pas été valablement saisie en matière de recours en annulation, et que les moyens soulevés par Oryx Énergies sont « mélangés de fait et de droit », donc irrecevables.

En réplique, Oryx Énergies Bénin S.A. estime que ces moyens préliminaires ne sont pas pertinents et doivent être rejetés. Elle justifie le retard par le transfert du dossier à la nouvelle Cour d’appel de commerce de Cotonou et par une tentative de règlement amiable entre les parties. Selon elle, le recours a été exercé dans les formes et délais prévus par la loi. Mais l’article 27 de l’Acte uniforme est sans appel : toute juridiction saisie d’un recours en annulation doit statuer dans un délai maximal de trois mois, faute de quoi elle est automatiquement dessaisie. Le dossier peut alors être transféré à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) d’Abidjan.

Dans le cas présent, lorsque le président de la Cour, William Kodjoh-Kpakpassou, et ses conseillers examinent finalement la procédure, le délai légal est depuis longtemps expiré.

Dans son arrêt du 10 septembre 2025, la Cour se déclare donc dessaisie, estimant qu’elle ne peut plus connaître de l’affaire. Aucune circonstance, même administrative, ne peut suspendre ou proroger le délai de trois mois. Selon le président de céans, « contrairement aux moyens de la défenderesse au recours en annulation, dès lors que le dessaisissement de la Cour est soulevé, celle-ci ne saurait y faire obstacle, nonobstant les circonstances particulières sus-évoquées ».

En conséquence, la sentence arbitrale du CAMeC reste pleinement exécutoire, confirmant la condamnation d’Oryx Énergies à payer 50 millions de FCFA à Trusty Food Distribution, ainsi que les frais de justice.

Au-delà de l’échec procédural, notre spécialiste à la rédaction estime que « cette décision rappelle la rigueur des mécanismes d’arbitrage dans l’espace OHADA, conçus pour garantir rapidité et sécurité juridique ». Selon lui, « pour Oryx Énergies, ce revers dépasse la seule sanction financière : il symbolise une erreur de stratégie procédurale dans un environnement où le respect des délais vaut autant que la solidité des arguments ».

Dans le système OHADA, la loi du temps demeure donc souveraine. Et dans cette affaire, c’est bien le temps qui a jugé. Notons enfin que devant le tribunal arbitral, Oryx Énergies réclamait sans succès un manque à gagner de 220,5 millions de francs CFA.

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