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Auto-parrainage : Devant la Cour constitutionnelle, Éric Houndété dénonce une discrimination au sein du parti Les Démocrates

Politique & Institutions, La Marina BJ C’est un épisode révélateur des tensions qui traversent le principal parti d’opposition béninois à l’approche de la présidentielle de 2026. Le 9 octobre 2025, le député Éric Houndété, premier vice-président du parti Les Démocrates, et son collègue Joël Godonou ont saisi la Cour constitutionnelle pour dénoncer ce qu’ils qualifiaient de « tendance discriminatoire » au sein de leur formation, estimant être exclus du processus de désignation du duo présidentiel.

Leur grief tenait à une question hautement sensible : le droit, pour un député, de s’auto-parrainer dans le cadre de la présidentielle. Mais moins de vingt-quatre heures après le dépôt du recours, les deux parlementaires se désistaient. Mais leur initiative aura suffi à remettre au centre du débat une question constitutionnelle qu’aucun élu, jusqu’ici, n’avait osé porter aussi frontalement devant la Cour.

Un recours inédit

Dans leur requête, enregistrée au secrétariat de la Cour Constitutionnelle sous le numéro 2100/429/REC-25, les deux parlementaires font observer à la haute juridiction « que, dans le cadre des préparatifs de cette élection présidentielle sous la bannière du parti Les Démocrates, ils ont manifesté leur intention de présenter leurs candidatures ; qu’ils affirment qu’un débat a eu lieu relativement à la candidature des députés titulaires du droit de parrainer ; qu’ils estiment que ce débat vise en réalité à les empêcher d’exercer leurs droits politiques garantis par la Constitution et à sanctionner leur liberté de choix politique et, in fine, à préjudicier, de manière irréversible et irrémédiable, à leur possible candidature à l’élection présidentielle de 2026 ; qu’ils font noter que la tendance du parti à recaler leurs candidatures à la sélection des candidats à l’élection présidentielle de 2026, à cause de leur qualité de député, constitue une discrimination fondée sur leur position sociale ; qu’ils affirment que cette tendance du parti méconnaît la Constitution et porte atteinte à l’exercice de leurs droits constitutionnels d’être candidats et à l’égalité de chances d’accès aux fonctions publiques, pourtant garantis et protégés par la Constitution. »

Autrement dit, ils demandaient à la haute juridiction de constater que la direction du parti Les Démocrates violait la Constitution en envisageant d’exclure les députés détenteurs du droit de parrainage. Selon eux, une telle interprétation revenait à nier leurs droits politiques fondamentaux et à les priver d’une chance égale d’accéder aux fonctions publiques.

Dans la requête, leur argument reposait sur le silence du Code électoral à ce sujet. L’article 132, qui encadre le parrainage, fixe trois critères — nombre de parrains, répartition géographique et appartenance politique — sans jamais interdire expressément à un élu de se parrainer lui-même. « Nulle part la loi n’interdit à un député de s’auto-parrainer », soutenaient-ils, invoquant le principe latin ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus : « là où la loi ne distingue pas, il n’appartient pas à l’interprète de distinguer ».

Les deux députés citaient aussi un précédent : en 2021, Mariam Chabi Talata, alors députée, s’était auto-parrainée avant de devenir vice-présidente, sans que son parrainage ne soit contesté. Pour Éric Houndété et son co-requérant, la position du parti traduisait donc une discrimination interne contraire à la Constitution.

Une procédure interrompue, mais une question relancée

Le 10 octobre, la Cour constitutionnelle, présidée par le professeur Cossi Dorothé Sossa, a pris acte du désistement des deux députés et ordonné la radiation du dossier du rôle (décision EP 25-003). Aucune observation n’avait été déposée par le parti Les Démocrates. Pour la Cour, il s’agissait d’un contentieux subjectif, c’est-à-dire d’une affaire portant sur la défense d’un intérêt personnel et non d’un principe constitutionnel. À ce titre, les requérants pouvaient librement abandonner leur démarche.

Mais ce désistement n’aura pas suffi à éteindre la controverse. Car derrière le geste, c’est toute la question du parrainage politique qui resurgit — un mécanisme central de la réforme électorale de 2019, renforcé par celle de 2024, et désormais devenu un filtre déterminant pour la sélection des candidatures.

La veille même, le 9 octobre 2025, la Cour constitutionnelle avait rendu une décision largement relayée — la décision EP 25-002. Les sages avaient été saisis par un groupe de juristes sur le même sujet. Ces derniers contestaient les propos du Directeur général des élections, qui avait déclaré : « Si l’on peut voter pour soi, on peut s’auto-parrainer. » La Cour a jugé le recours irrecevable, estimant qu’il ne relevait ni du contentieux électoral ni d’un contrôle de constitutionnalité, mais d’une simple demande d’avis, compétence que la Constitution ne reconnaît pas aux requérants.

Autrement dit, la haute juridiction, en cette matière, avait déjà fixé les limites de sa compétence : elle ne pouvait être saisie que par le Chef de l’État, par auto-saisine, ou dans le cadre d’un litige électoral concret. Les députés Éric Houndété et Joël Godonou n’avaient donc, en pratique, aucune chance de voir leur recours aboutir.

Une manœuvre tactique plus qu’un véritable recours ?

Derrière le désistement d’Eric Houndété et Joël Godonou, il faut lire moins un renoncement qu’une stratégie d’équilibriste. Pour notre consultant politique à la rédaction, les deux députés ont parfaitement anticipé l’irrecevabilité de leur recours. La décision EP 25-002 du 9 octobre avait clairement indiqué que la Cour ne pouvait se prononcer sur une question d’auto-parrainage en dehors d’une saisine présidentielle ou d’une auto-saisine. En clair, explique-t-il, « Éric Houndété et Joël Godonou savaient que la Cour allait déclarer leur recours irrecevable. Leur désistement a été une façon élégante d’éviter un rejet formel tout en laissant la question sur la table. »

Mais pour lui, le geste dépasse le droit : « Ce recours, puis ce retrait, relèvent d’une stratégie politique fine, sans doute concertée avec le bureau politique du parti Les Démocrates. L’objectif était de pousser la Cour à s’exprimer, même implicitement, sur une question qui divise profondément le parti… » Il ajoute également qu’un retour devant la Cour, « en cas de rejet par la CENA de la candidature d’un député figurant dans le duo du parti Les Démocrates, est bien possible pour cause d’un litige électoral concret. »

Notons par ailleurs que, ce dimanche 12 octobre 2025, le parti d’opposition Les Démocrates annoncera son duo de candidats pour l’élection présidentielle du 12 avril 2026, parmi lesquels figure Éric Houndété, candidat à la candidature et l’un des favoris parmi les 34 dossiers déposés ( Lire LMBJ DU 08/10/2025)

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