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Grand-Popo : pourquoi le chantier scolaire de Kpéco reste à l’arrêt depuis deux ans

Gouvernance locale, La Marina BJDans la commune de Grand-Popo, un projet de construction d’un module de trois salles de classe avec bureau et magasin à Kpéco, dans l’arrondissement d’Avlo, tourne à la saga administrative. Malgré la disponibilité des financements, deux marchés successifs ont été résiliés, confrontant la mairie à un dilemme : comment exécuter un chantier dans une zone lacustre difficile d’accès sans enfreindre les règles nationales des marchés publics ? La réponse de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP), tombée récemment, tranche le débat.

Le village de Kpéco, enclavé dans la zone lacustre d’Avlo, est l’un des sites les plus difficiles à atteindre de la commune de Grand-Popo. Pourtant, c’est là que devait s’élever un module de trois salles de classe avec bureau et magasin, financé sur ressources FADeC. Mais la réalité du terrain a vite rattrapé les ambitions locales : En 2022, le premier prestataire, qui n’avait pas visité le site avant la remise du chantier, a abandonné les travaux dès la phase initiale, découvrant sur place l’ampleur des contraintes logistiques.

En 2023, un second entrepreneur a connu le même sort : difficultés d’accès, absence d’acheminement de matériaux, surcoûts imprévus. Le projet a de nouveau été interrompu, plongeant la commune dans une impasse. Ces échecs répétés ont attiré à l’époque l’attention des auditeurs du FADeC, qui ont expressément recommandé à la mairie de rendre la visite du site obligatoire pour toute nouvelle procédure d’appel d’offres. Une mesure que la Personne Responsable des Marchés Publics (PRMP) de la commune a tenté d’officialiser.

La mairie plaide pour une dérogation

Dans une lettre datée du 3 septembre 2025, la PRMP de Grand-Popo a saisi l’ARMP pour obtenir une autorisation spéciale. L’objectif est d’exiger des soumissionnaires une attestation de visite de site obligatoire, afin d’éviter que des entreprises mal préparées ne soumissionnent sans connaissance des réalités du terrain.

La requête s’appuyait sur des arguments concrets : deux résiliations successives, des pertes de temps, des surcoûts pour la collectivité et la nécessité d’assurer, cette fois, une exécution rapide et conforme du projet. « Eu égard à ce qui précède, et dans le souci d’assurer la bonne exécution du marché en cours, je vous saurais gré de bien vouloir autoriser, à titre exceptionnel, l’intégration de l’obligation de visite de site », plaidait la PRMP dans son courrier adressé au président de l’ARMP.

Mais la démarche, jugée légitime sur le plan pratique, allait se heurter au carcan juridique du Code des marchés publics.

L’ARMP oppose le droit à la pratique

Saisie de la demande, l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) a rappelé dans son avis consulté par La Marina BJ que la réglementation en vigueur est explicite : la visite de site ne peut en aucun cas être rendue obligatoire, ni constituer une pièce éliminatoire dans un dossier d’appel d’offres.

D’après le conseil de régulation, les dispositions de la loi n°2020-26 du 29 septembre 2020 et du décret n°2020-602 du 23 décembre 2020, qui approuve les documents types de passation des marchés publics, prévoient uniquement que la visite de site est conseillée aux candidats. Et « en tout état de cause, la visite de site n’est pas un motif d’élimination de l’offre du soumissionnaire. »

Autrement dit, même dans des contextes particuliers comme celui de Kpéco, aucune autorité contractante ne peut imposer une telle obligation, sauf modification législative expresse. L’ARMP souligne que le rôle de la commune n’est pas d’écarter les candidats par des clauses additionnelles, mais de mieux documenter le dossier d’appel d’offres : localisation précise, accessibilité, caractéristiques du sol, contraintes d’acheminement et éléments d’études environnementales.

Recommandations pour le conseil communal

Dans son avis, l’ARMP invite la commune de Grand-Popo à revoir sa méthode. D’une part enrichir le dossier d’appel d’offres (DAO) avec des informations détaillées sur le site et ses spécificités techniques et organiser, si nécessaire, une réunion préparatoire avec les soumissionnaires pour répondre à leurs questions ; D’autre part, appliquer rigoureusement les sanctions prévues par le Code des marchés publics en cas d’abandon de chantier ou de manquement contractuel.

L’ARMP rappelle par ailleurs que la résiliation d’un marché public pour faute du titulaire doit s’accompagner de mesures coercitives à savoir pénalités financières, saisie de garantie ou exclusion temporaire, plutôt que d’une modification du cadre réglementaire.

La balle est désormais dans le camp de la mairie, qui devra conjuguer bonne préparation, information complète et suivi rigoureux pour espérer, enfin, voir sortir de terre les salles de classe de Kpéco.

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