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Présidentielle 2026 : retard, désordre et absence de plan B, l’autre vérité du fiasco des Démocrates

Politique, La Marina BJLa décision EP 25-007 de la Cour constitutionnelle, rendue le 27 octobre 2025, ne fait pas que clore un contentieux électoral. Elle dresse, sans le dire, le constat d’un échec stratégique du principal parti d’opposition. Car à bien lire les vingt et une pages du texte, une évidence s’impose : Les Démocrates ne sont pas victimes d’un arbitraire institutionnel, mais d’une défaillance interne. Leur exclusion de la présidentielle de 2026 ne relève ni d’une manœuvre politique, ni d’un complot d’État : le parti s’est piégé lui-même.

Les faits sont simples. La CENA notifie, le 23 octobre à 10 h 30, sa décision d’invalidation du dossier des Démocrates pour défaut d’un parrainage. Le Code électoral accorde alors 48 heures pour contester devant la Cour constitutionnelle. Mais sur les quatre recours introduits, trois ont été déposés hors délai — parfois avec plusieurs heures de retard. Résultat : seule la requête du candidat à la vice-présidence Bonaventure Jude Lodjou, déposée dix minutes avant la clôture du délai, a été jugée recevable.
Les autres, portées par le candidat à la présidence Renaud Agbodjo, le député Habibou Woroucoubou et le militant Karim Goundi, ont été déclarées irrecevables pour forclusion ou défaut de qualité.

La Cour, appliquant mécaniquement la loi, a donc statué sans émotion : le délai était expiré, la procédure close. Un verdict que la haute juridiction justifie par un principe clair : « La notification au parti vaut notification aux candidats. » Autrement dit, l’horloge juridique tourne dès que le parti reçoit la décision — et non lorsqu’il la lit.

L’affaire Sodjinou : une faille devenue symbole

C’est le point de départ du naufrage. Le retrait du parrainage de Michel Sodjinou, député élu sous la bannière des Démocrates, a suffi à faire s’écrouler l’édifice. Ce n’est pas tant la décision de l’élu qui a coûté au parti, mais la gestion politique du dossier. Plutôt que d’encadrer juridiquement la remise des formulaires, le parti a privilégié une approche militante, collective et symbolique.

Or, la Cour l’a rappelé sans détour : « Le parrainage est un acte individuel et rétractable avant le dépôt des candidatures. » En d’autres termes, Michel Sodjinou était libre de revenir sur sa décision. Et il l’a fait avant la date de dépôt, rendant ainsi son parrainage caduc. Là où Les Démocrates ont vu un acte de trahison, la Cour n’a vu qu’une stricte application du droit.

Une organisation sans cap

Le cœur du problème est ailleurs : une machine politique désordonnée face à un processus électoral réglé au millimètre. Selon les indiscrétions, des signaux d’impréparation étaient visibles depuis des mois : dossiers incomplets, communication confuse, absence de cellule juridique permanente. Le parti de l’ancien chef de l’État Boni Yayi s’est retrouvé à gérer un contentieux électoral comme une bataille d’opinion, oubliant que le droit obéit à des délais et à des procédures strictes.

L’absence de plan B a amplifié le fiasco. Avec 28 parrains, dont un seul défaillant, Les Démocrates ont tout misé sur la loyauté sans prévoir la moindre marge. Dans un système aussi verrouillé, la stratégie aurait exigé 29 ou 35 signatures — avec l’accord de gouvernance auquel le chef de l’État Patrice Talon invitait le parti lors de sa rencontre avec la jeunesse le 28 juillet 2025 — un tampon de sécurité politique que le parti n’a pas su garantir.

Face à certains cris d’exclusion et aux accusations de « dérive autoritaire », la Cour constitutionnelle a gardé sa ligne : elle ne juge pas la représentativité politique, mais la régularité juridique. Depuis 2021, sa jurisprudence est constante : elle n’intervient ni dans les querelles internes aux partis, ni dans les actes des juges judiciaires tant qu’ils n’ont pas acquis force de chose jugée. La décision du lundi 27 octobre s’inscrit dans cette logique : rigueur, cohérence et froideur institutionnelle.

Et contrairement à ce que certains prétendent, le juge constitutionnel n’a pas fermé la porte de la démocratie — il a simplement refusé d’en faire une salle d’audience.

L’autre vérité du fiasco

Le parti Les Démocrates n’a pas perdu contre la CENA, ni contre la Cour, mais contre lui-même. Son principal adversaire n’était pas l’institution, mais le temps. Son erreur n’était pas politique, mais procédurale. Et sa défaite n’est pas le résultat d’un rapport de force, mais d’une inattention méthodique.

En avril 2026, le Bénin ira aux urnes sans sa principale force d’opposition — non parce qu’on l’a écartée, mais parce qu’elle n’a pas su se préparer à l’épreuve du droit.

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