Justice commerciale, La Marina BJ – Ce n’était qu’un simple document administratif, un permis d’habiter déposé en garantie d’un prêt. Mais il aura suffi à déclencher une saga judiciaire. À l’issue de cette bataille silencieuse, la Bank of Africa Bénin (BOA-Bénin) a été récemment condamnée, par la Cour d’appel de commerce de Cotonou, à verser 10 millions de francs CFA à un entrepreneur béninois pour non-restitution de son titre foncier.
Selon les faits, tout débute au début des années 2000. La société SOMACO SARL sollicite auprès de la BOA-Bénin un concours financier pour soutenir ses activités. Comme souvent, la banque exige une garantie. Le gérant s’exécute : il dépose à la banque le permis d’habiter, un document précieux, preuve de propriété d’une parcelle située à Akpakpa, dans la commune de Cotonou.
Le prêt est accordé, les remboursements suivent, et tout semble se dérouler normalement. Quelques années plus tard, le crédit est entièrement soldé. Le gérant s’adresse alors à la banque pour récupérer son permis d’habiter. Une démarche administrative de routine, pense-t-il. Mais la suite va tourner au bras de fer.
Un silence prolongé, une confiance brisée
Les premières demandes de restitution datent de 2006. Puis viennent les relances, les lettres, les interventions de Me Irène Adjagba, notaire en charge du dossier. Rien n’y fait : le document reste introuvable. La banque garde le silence. Les années passent, la frustration grandit. Le gérant exaspéré par l’inertie bancaire.
En 2020, après quatorze ans d’attente, il finit par saisir le Tribunal de commerce de Cotonou, réclamant la restitution de son titre sous astreinte et 50 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Le 2 décembre 2021, le tribunal lui donne raison : la BOA-Bénin est condamnée à restituer le permis d’habiter ou son duplicata, sous peine d’une astreinte de 200 000 francs CFA par jour de retard, et à lui verser 10 millions de francs CFA de réparation.
La banque plaide la perte du document
La BOA-Bénin fait appel. Elle admet la disparition du document, qu’elle dit « adiré », mais conteste toute mauvaise foi. Dans sa plaidoirie, la défense invoque la perte fortuite et qu’il n’a jamais refusé la restitution mais qu’elle a simplement égaré le titre, un incident administratif regrettable, plaide-t-elle. La BOA Bénin affirme avoir pris des mesures dès juillet 2006 pour établir un duplicata et estime que le client n’a subi « aucun préjudice réel ».
L’établissement bancaire demande alors à la Cour d’appel de réduire la condamnation du premier juge à un million de francs CFA. Mais du côté du plaignant, la patience a des limites : il réclame, au contraire, une réévaluation à 50 millions, au motif que la perte du titre lui a fait manquer de nombreuses opportunités financières.
Le rappel à l’ordre de la Cour
Le 13 octobre 2025, la Cour d’appel de commerce de Cotonou rend son arrêt. Sous la présidence du magistrat Appolinaire Hounkannou, la chambre d’appel du cinquième pôle confirme intégralement le jugement de 2021. La BOA-Bénin est reconnue responsable d’un manquement contractuel. Pour la juridiction d’appel, l’argument de la perte n’exonère pas la banque et le fait que la pièce ait été égarée n’efface pas l’obligation de restitution. La Cour estime que l’intimé a bel et bien été privé de la jouissance totale de son droit de propriété, et que cette situation constitue une faute.
Si la demande d’une réparation plus élevée est rejetée, la sanction initiale est maintenue : 10 millions de francs CFA de dommages et intérêts et condamnation aux dépens.
Au-delà du contentieux, cette décision sonne comme un avertissement adressé au secteur bancaire. La confirmation du jugement rappelle la règle du Code civil selon laquelle « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En d’autres termes, une fois un crédit soldé, la banque a l’obligation de restituer promptement les garanties qui lui ont été confiées. Pour la Cour, la perte d’un document par négligence ne peut être assimilée à un cas de force majeure.