Politique, La Marina BJ – C’est sur sa page Facebook officielle, ce lundi 3 novembre 2025, que l’ancien chef de l’État Thomas Boni Yayi a choisi de rompre le silence. Dans sa déclaration, le leader du parti Les Démocrates (LD) a pris position contre le projet de révision constitutionnelle en cours à l’Assemblée nationale, estimant que la création d’un Sénat « ne va pas dans le sens du renforcement de notre démocratie ».
Cette sortie intervient alors que la proposition, portée par les députés Aké Natondé (UPR) et Assan Seïbou (BR), vient d’être adoptée par la Commission des lois.
Un projet perçu comme une “dérive institutionnelle”
Dans sa déclaration, l’ancien président affirme avoir appris « par la presse » le dépôt du texte et dénonce une démarche « engagée sans consensus national ». Selon lui, la création d’un Sénat dans les conditions actuelles « s’inscrit dans un climat d’exclusion qui fragilise la cohésion sociale et compromet la sérénité du débat républicain ». Le cœur de son argument repose sur une mise en garde : « La création d’un Sénat n’est ni opportune ni légitime. Elle constitue une initiative antidémocratique, contraire aux principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs et au bon fonctionnement de nos institutions. »
Pour Boni Yayi, la composition même de la nouvelle chambre, dominée par des membres de droit — anciens présidents, anciens chefs d’institution et hauts gradés des forces armées —, soulève de sérieuses interrogations. Il estime qu’un tel organe pourrait devenir un instrument de contrôle au service d’un seul homme, mettant en péril la nature républicaine du régime béninois. Le ton de l’ancien chef d’État se veut ferme, presque personnel. Il annonce clairement qu’il refuse d’être membre du futur Sénat, bien que son statut d’ex-président de la République l’y autoriserait.
« Je ne saurais en aucun cas faire partie de cette institution comme membre de droit, ni cautionner un tel projet », écrit-il. Cette position a valeur de signal symbolique : Boni Yayi, artisan du pluralisme démocratique, choisit de se placer en gardien des acquis républicains.
Un appel à la minorité de blocage des députés LD
Dans la même déclaration, il en appelle directement aux 22 députés non démissionnaires du parti Les Démocrates, les exhortant à utiliser leur minorité de blocage pour empêcher le vote du texte. « En agissant ainsi, les 22 députés LD honoreront leur serment d’artisans de la restauration de la démocratie au Bénin », plaide-t-il. Boni Yayi les invite à renvoyer la décision au peuple, à travers la voie référendaire, qu’il considère comme l’expression suprême de la volonté nationale. En filigrane, il cherche à repolitiser le débat constitutionnel, transformant la réforme institutionnelle en enjeu démocratique majeur.
Ce positionnement, à la fois juridique, moral et politique, s’inscrit dans la continuité du discours de Yayi depuis 2016 : celui d’un homme convaincu que le système de 1990 doit être amélioré, mais non dénaturé. En se dressant contre la création du Sénat, il renoue avec une posture de résistance déjà affichée lors de la tentative de révision constitutionnelle de 2017.
« Une telle dérive institutionnelle met en péril les acquis démocratiques chèrement obtenus par le peuple béninois au prix de tant de sacrifices », écrit-il encore. Sa déclaration, au ton presque testamentaire, rappelle les grandes heures de tension politique : un appel à la conscience nationale et une défense du modèle républicain béninois, souvent cité comme référence en Afrique de l’Ouest.
Un débat qui redéfinit les lignes politiques
Si, pour la majorité présidentielle, la création du Sénat vise à instaurer un « équilibre institutionnel durable », pour Boni Yayi, elle incarne au contraire un risque de verrouillage du pouvoir. Son intervention ravive la polarisation politique à l’heure où le pays s’apprête à entrer dans une séquence d’élections générales.
Reste désormais une question ouverte : Après Thomas Boni Yayi, quels autres membres de droit potentiels de ce futur Sénat prendront la parole pour donner leur position sur l’initiative de la majorité parlementaire ?