Culture, La Marina – Le gouvernement béninois vient de confier l’un de ses projets culturels les plus ambitieux à une figure reconnue de la muséologie internationale. Selon nos informations — confirmées par l’intéressé lui-même — le muséologue et paléontologue suisse Jacques Ayer a été nommé Directeur général de la Réunion des Musées publics du Bénin (RMP), la structure chargée de concevoir, organiser et superviser les quatre grands musées nationaux actuellement en développement dans le pays. Qui est ce spécialiste ? Et qu’attend l’État béninois de lui ? Éléments de réponse.
Créée pour accompagner la transformation du paysage culturel national, la RMP occupe une position centrale dans la dynamique muséale engagée depuis 2016. En confiant sa direction à Jacques Ayer, le gouvernement de la rupture fait le choix d’un profil technique, expérimenté et aguerri aux environnements institutionnels complexes.
Sa mission sera double : définir l’organisation et le fonctionnement des quatre futures institutions muséales d’envergure internationale ; superviser l’offre scientifique, culturelle et pédagogique de chacun de ces établissements, tout en accompagnant leur déploiement opérationnel. Ces chantiers s’inscrivent dans la vision culturelle portée par le président Patrice Talon : révéler, moderniser et valoriser le patrimoine matériel, immatériel et cultuel du pays, et faire de la culture un levier structurant de rayonnement et de développement.
Trois décennies d’expertise muséale
Sous la coordination de la RMP, les projets en cours concernent le Musée international de la Mémoire de l’Esclavage à Ouidah (MIME), consacré à l’histoire de la traite négrière aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles ; le Musée des Rois et des Amazones du Danhomè à Abomey (MURAD), adossé à la réhabilitation des palais royaux ; le Musée international du Vodun à Porto-Novo (MIV), destiné à valoriser une religion emblématique du patrimoine béninois et mondial. Selon le nouveau directeur, l’ouverture progressive de ces établissements est prévue entre 2026 et 2029. Pour le Bénin, l’objectif est de bâtir des institutions capables de rivaliser avec les grands musées africains et internationaux, tout en affirmant une narration propre, ancrée dans ses réalités historiques, politiques et symboliques.
Proche de la soixantaine, Jacques Ayer présente un parcours dont le poids a manifestement pesé dans la décision du gouvernement béninois. Son expérience s’est construite au sein de plusieurs institutions majeures en Suisse.
Tout d’abord un dirigeant aguerri en tant Directeur du Muséum d’histoire naturelle de Genève et du Musée d’histoire des sciences (2012–2020) où il assuré la modernisation des expositions, pilotage scientifique, gouvernance d’équipes, partenariats internationaux. Aussi en tant que directeur du Musée jurassien des sciences naturelles et du jardin botanique de Porrentruy (2009–2012) où il s’est occupé de la gestion scientifique, animation culturelle, coordination de projets pédagogiques.
Ensuite, un spécialiste des projets complexes. Avant ses fonctions de direction, il fut conservateur du département des sciences de la Terre au Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel (1994–2004) ; responsable scientifique des fouilles paléontologiques de la Transjurane (2004–2009) ; consultant muséal en Suisse, en France et au Tessin. Depuis 2021, il dirige MUSEOLIS, cabinet de conseil spécialisé dans les projets scientifiques et culturels, et enseigne la muséologie à l’Université de Neuchâtel.
Une nomination aux enjeux stratégiques pour le Bénin
Selon l’un de nos spécialistes à la rédaction, l’arrivée de Jacques Ayer répond à plusieurs objectifs assumés par les autorités à savoir professionnaliser la gouvernance muséale dans un contexte de création institutionnelle ; garantir une cohérence scientifique entre les différentes institutions ; inscrire les futurs musées dans les référentiels internationaux afin d’en faire des espaces attractifs pour la recherche, le tourisme et l’éducation ; accompagner la valorisation de pans essentiels de l’histoire nationale — royautés, spiritualités, mémoire de l’esclavage.
La nomination intervient en outre dans un contexte marqué par la montée en puissance du secteur culturel, après la restitution des 26 trésors royaux d’Abomey par la France en 2021 et celle, en mai 2025, du trésor royal Kataklè par la Finlande.
Un défi complexe
Au-delà de la planification, Jacques Ayer devra relever un pari exigeant : bâtir des musées scientifiques, attractifs, pédagogiques et politiquement porteurs. Il lui reviendra d’articuler, selon notre spécialiste, la rigueur muséologique et scientifique ; la sensibilité mémorielle ; la dimension identitaire et culturelle ; l’exigence d’un narratif contemporain.
Bref, résume-t-il, il devra répondre aux attentes d’un État — y compris dans un contexte de transition politique annoncée — qui voit dans ses musées un outil stratégique de projection et de modernisation. « Le chantier est considérable, mais le profil de Jacques Ayer laisse entrevoir une montée en gamme notable du secteur muséal béninois », conclut-il.
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