Réforme, La Marina BJ – La Cour constitutionnelle béninoise a mis un terme, sur le plan juridique, au contentieux né de la révision de la Constitution adoptée par l’Assemblée nationale le 14 novembre 2025. Par sa décision DCC 25-293, rendue le 12 décembre, la haute juridiction valide la procédure ayant conduit à l’adoption du texte, tout en prenant soin de borner strictement son champ d’intervention. Ni aval politique ni désaveu idéologique : la Cour dit le droit, et uniquement le droit.
Saisie par plusieurs députés et citoyens, la Cour était appelée à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi n°2025-20, qui introduit des changements institutionnels majeurs, dont la création d’un Sénat et l’instauration d’une trêve politique. Les requérants dénonçaient une procédure qu’ils jugeaient irrégulière et une réforme qu’ils estimaient attentatoire aux principes démocratiques, aux droits fondamentaux et à la souveraineté nationale.
Face à la densité des griefs, la Cour opère un tri méthodique. Elle commence par rappeler une ligne jurisprudentielle constante : en matière de révision constitutionnelle, son contrôle porte avant tout sur le respect des procédures prévues par la Constitution, et non sur l’opportunité ou la pertinence des choix politiques opérés par le constituant dérivé.
Premier acte de la décision : la question de la qualité à agir, qui a permis à la Cour constitutionnelle d’opérer le filtre de la recevabilité. La Cour déclare irrecevables les recours introduits par certains citoyens, rappelant que le contrôle de constitutionnalité a priori des lois, y compris constitutionnelles, ne peut être exercé que sur saisine du Président de la République ou des membres de l’Assemblée nationale. Une clarification qui resserre le cadre institutionnel du contentieux constitutionnel.
Les recours émanant de députés sont, en revanche, déclarés recevables, ouvrant la voie à l’examen des griefs de procédure.
Pas de violation caractérisée
Au cœur des critiques figurait l’argument selon lequel le texte adopté en seconde phase ne serait pas identique à celui pris en considération lors de la première, en violation des articles 154 et 155 de la Constitution. La Cour rejette cette lecture. Elle rappelle que la phase de prise en considération n’est pas un examen au fond, mais une étape politique préalable autorisant la poursuite de la procédure.
En conséquence, le droit d’amendement des députés demeure pleinement applicable jusqu’au vote final. Introduire ou adopter des amendements entre les deux phases ne constitue pas, en soi, une irrégularité constitutionnelle. Cette interprétation conforte une conception souple du pouvoir constituant dérivé, déjà esquissée dans des décisions antérieures.
Autre point sensible : le choix d’un vote en bloc pour l’adoption de la loi constitutionnelle. Là encore, la Cour tranche sans ambiguïté. Ni la Constitution ni le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale n’imposent un vote article par article en matière de révision constitutionnelle. Le vote global relève d’une option parlementaire légalement admise.
Les coupures d’électricité survenues lors de la séance plénière, abondamment invoquées par les requérants, sont également écartées. La Cour constate que les travaux n’ont pas été interrompus, que des dispositifs de secours ont été mobilisés et qu’aucun élément tangible ne permet d’affirmer que la sincérité du scrutin aurait été compromise. Le résultat, à savoir 90 voix pour, 19 contre, sans abstention, est jugé clair et exploitable.
La création du Sénat, présentée comme génératrice de charges publiques non compensées, était également attaquée sur le fondement de l’article 107 de la Constitution. La Cour relève que le gouvernement a participé à toutes les étapes du processus législatif et n’a soulevé aucune irrecevabilité financière. Dans ces conditions, le grief est écarté.
Une validation juridique, pas un blanc-seing politique
C’est sans doute l’enseignement le plus structurant de la décision. La Cour affirme, sans détour, qu’elle n’a pas vocation à arbitrer le débat politique. Les critiques portant sur la pertinence de la trêve politique, l’équilibre des pouvoirs, l’impact du Sénat sur le pluralisme démocratique ou la recomposition du jeu institutionnel relèvent du débat public et parlementaire, non du contrôle juridictionnel.
Son examen se limite au respect des clauses d’intangibilité prévues à l’article 156 de la Constitution. Sur ce point, la Cour estime que la réforme ne remet en cause ni la forme républicaine de l’État, ni la laïcité, ni l’intégrité du territoire, ni les principes fondamentaux du pluralisme.
Au terme de son raisonnement, la Cour constitutionnelle déclare la loi, adoptée par le Parlement le 14 novembre 2025 et portant révision de la Constitution, conforme à la Constitution en toutes ses dispositions. « Étant donné que les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans recours, cette décision referme le contentieux juridique, sans pour autant clore le débat politique », estime notre spécialiste à la rédaction.
En validant la procédure sans se prononcer sur le fond idéologique de la réforme, « la Cour renvoie les acteurs politiques à leurs responsabilités. Le droit a parlé. Le reste appartient désormais au jeu démocratique », ajoute-t-il. Après cette validation constitutionnelle, il appartient désormais au président de la République Patrice Talon de décider de la promulgation des nouvelles dispositions constitutionnelles.
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