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Duo du parti Les Démocrates : comment un flou juridique pourrait faire émerger un favori inattendu

Politique, La Marina BJ À l’origine, ce n’était qu’un détail technique : une lecture prudente des textes sur le parrainage présidentiel, une ligne floue dans la loi électorale, un souci de conformité institutionnelle. Mais en quelques jours, ce flou juridique s’est mué en levier politique. Il a rebattu les cartes au sein du principal parti d’opposition béninois, Les Démocrates, et pourrait propulser un visage jusqu’alors discret au-devant de la scène : avocat, juriste, et désormais favori inattendu d’un processus de désignation devenu aussi juridique que stratégique.

Tout est parti d’une interprétation. Selon des indiscrétions, la commission mise en place par le parti pour examiner les candidatures au duo présidentiel aurait estimé qu’un député aspirant à la présidence ne saurait se parrainer lui-même sans violer l’esprit de la loi. Autrement, tout parlementaire-candidat risquerait d’être accusé d’auto-parrainage — une notion que le code électoral ne précise pas, mais que les juristes du parti et plusieurs observateurs jugent contraire à l’éthique électorale.

Résultat : les figures les plus en vue – Éric Houndété, premier vice-président du parti, Nourénou Atchadé, chef du groupe parlementaire, ou encore Kamel Ouassagari – se sont retrouvées exclues de facto d’un processus qu’ils avaient pourtant initié. Le 9 octobre, Éric Houndété et son collègue Joël Godonou ont saisi la Cour constitutionnelle, dénonçant une dérive « discriminatoire » et un verrouillage interne orchestré par la direction (LIRE LMBJ DU 11/10/2025). Trop tard, la machine était déjà lancée, et les députés semblaient écartés du jeu présidentiel.

Dans le sillage des exclus, un juriste monte

Au milieu de ce vide politique, un nom a commencé à circuler dans les couloirs du parti : Me Renaud Agbodjo. Avocat au barreau de Cotonou, ancien président de l’Union des jeunes avocats, défenseur de l’ex-ministre Reckya Madougou, et membre du bureau politique des Démocrates à titre de conseiller juridique, il n’a jamais été élu. Et c’est précisément ce qui le rend aujourd’hui utile.

Ni député, ni maire, ni détenteur d’un mandat susceptible de poser problème dans le jeu du parrainage, il coche les cases d’un candidat juridiquement sûr. Il a déposé un dossier complet et dispose de son quitus fiscal.

« Dans un contexte où la prudence est devenue stratégie, ce profil propre, sans exposition parlementaire, s’impose comme le compromis idéal », commente un consultant du cabinet WE Connector, qui, dans une étude analytique fondée sur les critères de désignation du parti, voyait initialement un duo Éric Houndété – Nourou-Dine Saka Saley. « Mais il faut reconnaître que la donne change si les députés du parti sont exclus », souligne le cabinet.

Entre prudence tactique et calcul présidentiel

À quelques heures du Conseil national du parti, les regards se tournent vers le président du parti, Boni Yayi. L’ancien chef d’État, stratège aguerri, sait que chaque choix aura ses conséquences : un duo dominé un député parrain risquerait la disqualification juridique ; un duo « nouvelle génération » pourrait fragiliser la cohésion interne ; un compromis intermédiaire permettrait de sauver l’unité du parti tout en affichant un renouvellement de façade.

Dans cette configuration, Me Renaud Agbodjo apparaît comme l’option équilibrée : jeune comme le candidat de la mouvance présidentielle, mais déjà actif dans un parti politique ; loyal, légalement inattaquable et politiquement présentable. « C’est un profil qui pourrait rassurer, apaiser les barons et séduire la base si Yayi Boni, dont il est l’avocat personnel, approuve », déclare l’un de nos consultants politiques à la rédaction, avant d’ajouter, plus lucide, qui « lui faudra encore convaincre qu’il peut incarner une vision nationale, pas seulement une conformité légale. »

Ironie du sort : la règle conçue pour encadrer la démocratie béninoise pourrait en redessiner les visages. L’auto-parrainage, interprété comme un risque par le parti, agit comme un filtre sélectif qui élimine les têtes d’affiche et met en avant les techniciens fidèles du système. Dans ce nouveau paysage, le droit devient l’arme de la stratégie politique, et ceux qui le maîtrisent deviennent incontournables. En somme, l’élimination des députés a ouvert une brèche – et Renaud Agbodjo s’y est engouffré avec la rigueur d’un juriste et l’intuition d’un politique.

Vers un duo surprise ?

Reste à savoir si l’ancien président de la République Boni Yayi osera valider ce pari. Une partie de la base militante, déjà frustrée par les reports successifs, réclame un signal fort. Vraisemblablement « les cadres, eux, veulent éviter toute rupture interne », confie un source interne au parti. Dans les couloirs du siège du parti, une phrase revient, « Il faut un duo qui rassure légalement autant qu’il réveille la rue. »

Renaud Agbodjo pourrait être ce compromis improbable : un avocat qui anime le débat public, né des contraintes du droit, devenu symbole d’une génération qui veut exister autrement dans l’opposition. Mais qui sera son colistier ? « NDSS, Yacoubou Bio Sawé, voire Guy Mitokpè peuvent faire l’affaire et bouger les lignes », estime notre consultant politique.

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