Enseignement supérieur, Bénin – Selon Gabin Tchaou, enseignant-chercheur et secrétaire général du Syndicat national de la recherche et de l’enseignement supérieur (Synares), l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) fait face à un afflux croissant d’étudiants, tandis que le nombre d’enseignants diminue.
Dans un entretien exclusif réalisé par Fayola Dagba pour le quotidien Matin Libre, le syndicaliste explique les enjeux de ce phénomène alarmant. « Si nous devons appliquer les règles du Réseau pour l’Excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO), nous aurions besoin d’environ 3200 à 3500 enseignants pour l’UAC », explique monsieur Gabin Tchaou. Avec près de 100 000 étudiants actuellement inscrits à l’université, les 800 enseignants permanents ne suffisent plus à assurer un encadrement adéquat. Cette pénurie affecte directement la qualité de l’enseignement et génère une surcharge de travail pour les professeurs restants.
« Le peu d’enseignants qui restent sont surchargés », confie-t-il, soulignant que les conditions de travail se sont considérablement dégradées. En l’absence de renforts, certains enseignants enchaînent des cours épuisants, « de 7 à 13 heures avec à peine une heure de pause », rappelle le géographe de formation. « C’est un humain, pas un robot », dit-il, avec une inquiétude palpable pour la santé physique et mentale de ses collègues.
La fuite des cerveaux
Le manque d’enseignants ne résulte pas seulement de l’absence de recrutement. En effet, de nombreux enseignants, formés dans des disciplines essentielles quittent le Bénin pour aller travailler dans d’autres pays, aggravant ainsi la crise. Le secrétaire général du Syndicat national de la recherche et de l’enseignement supérieur (Synares) met en avant cette réalité en affirmant que parmi le lot des Béninois recrutés récemment en Guinée-Conakry, il y a « des mathématiciens, des spécialistes en intelligence artificielle… Ce sont des spécialités qui sont un peu rares. » Ces départs privent l’Université d’Abomey-Calavi de compétences cruciales, indispensables à la formation des étudiants dans des domaines stratégiques.
Des réformes en demi-teinte
Depuis 2016, avec l’arrivée du régime de la rupture, le gouvernement a lancé plusieurs réformes dans le secteur de l’enseignement supérieur. Toutefois, ces réformes n’ont pas produit les résultats attendus, comme le souligne Gabin Tchaou. En effet, il affirme que « ces réformes-là n’ont pas impacté positivement le quotidien des acteurs des universités publiques ». Le gouvernement avait pourtant promis de recruter 305 enseignants par an jusqu’en 2021, afin d’atteindre un total de 1535 nouveaux enseignants.
Cependant, seuls 200 enseignants ont effectivement été recrutés durant cette période, et ce, pour l’ensemble des universités publiques du Bénin. Pendant ce temps, plus de 250 enseignants sont partis à la retraite. Ces chiffres du syndicaliste révèlent clairement l’ampleur du problème et démontrent l’incapacité des réformes à combler les besoins criants du secteur universitaire.
La situation actuelle est devenue insoutenable, tant pour les enseignants que pour les étudiants. « Ça devient dangereux », prévient monsieur Gabin Tchaou, appelant les autorités à prendre des mesures immédiates.