Santé, Bénin – Le 11 avril 2024, le gouvernement béninois a pris la décision inattendue de suspendre l’Ordre National des Chirurgiens-dentistes pour une période de 12 mois. Cette mesure, annoncée lors du conseil des ministres, a provoqué un véritable choc dans le secteur de la santé, soulevant de nombreuses questions quant aux réelles motivations de cette suspension.
Lors de son passage, hier dimanche 11 août 2024 sur les ondes de Crystal News, Dr Christiane Paraïso, présidente de l’ordre suspendu, a révélé certains dessous de cette affaire qui, jusqu’à présent, restaient méconnus du public.
Le retour des étudiants en chirurgie dentaire : un sujet de discorde
L’un des principaux points de friction entre l’Ordre des Chirurgiens-dentistes et le ministère de la Santé concerne le statut des étudiants béninois en chirurgie dentaire formés au Sénégal. Ces jeunes diplômés, fraîchement rentrés au pays, souhaitent pouvoir exercer simultanément dans le secteur public et privé. Cependant, cette pratique est contraire à la législation en vigueur au Bénin, qui impose un choix strict entre ces deux secteurs.
L’Ordre, en application stricte de la loi, a donc refusé cette demande. Cependant, Dr Paraïso explique que le ministre de la Santé, Benjamin Hounkpatin, a manifesté son désaccord avec cette décision, allant jusqu’à affirmer en présence des représentants des différents ordres professionnels que ces jeunes praticiens devaient pouvoir exercer dans les deux domaines. « Le ministre a soutenu devant nous tous que ses protégés devaient avoir le droit de pratiquer à la fois dans le public et le privé », rapporte-t-elle, soulignant ainsi l’une des premières fissures dans les relations entre l’Ordre et le ministère.
La question de l’authenticité des diplômes : un conflit latent
Un autre point de tension, moins médiatisé mais tout aussi crucial, concerne la vérification des diplômes des chirurgiens-dentistes souhaitant s’installer au Bénin. Dr Paraïso a rappelé que cette procédure, bien que routine pour l’Ordre, est devenue récemment un sujet sensible. Elle cite notamment un incident en 2022 où des individus non qualifiés se sont présentés comme médecins-dentistes pour administrer des soins dans le pays. Cette situation avait poussé l’Ordre à renforcer ses contrôles, ce qui n’a pas été du goût du ministère.
Le ministre de la Santé aurait alors demandé à l’Ordre de ne plus vérifier l’authenticité des diplômes directement auprès des universités, une directive que l’Ordre a jugée difficilement acceptable. Pire encore, lors d’une réunion avec le ministre, celui-ci aurait exigé des explications sur un dossier de candidature en instance, tout en menaçant de permettre l’ouverture d’un cabinet malgré l’absence de validation de l’Ordre. « Le ministre a clairement dit que même si l’Ordre refuse d’intégrer certains candidats, il prendra un arrêté pour leur permettre de s’installer », a relaté Dr Paraïso, mettant en lumière une confrontation directe entre l’autorité étatique et l’institution professionnelle.
Une suspension qui interroge
La suspension de l’Ordre pour une durée d’un an soulève ainsi de nombreuses interrogations. Les révélations de Dr Christiane Paraïso laissent entrevoir un bras de fer entre le ministère de la Santé et une institution soucieuse de respecter ses prérogatives et les lois en vigueur. Derrière cette mesure se cachent des tensions profondes, où des intérêts divergents semblent s’affronter au détriment de la régulation du secteur de la santé.
Alors que le secteur dentaire au Bénin traverse une période trouble, cette affaire pourrait bien être le prélude à une refonte des relations entre les ordres professionnels et le gouvernement. La transparence et le respect des lois resteront des enjeux cruciaux dans les mois à venir, alors que les professionnels de santé et la population attendent des réponses claires et une résolution de cette crise. Pour l’instant, l’incertitude demeure, et avec elle, la question : à qui profite cette suspension ?
