Gouvernance, Bénin – Le lundi 23 septembre 2024, un groupe de 15 députés de l’opposition parlementaire, mené par l’honorable Habibou Woroucoubou, a officiellement déposé une question d’actualité au secrétariat de l’Assemblée nationale. En effet, l’objet de cette interpellation du gouvernement est la récurrence inquiétante des acquisitions de domaines publics par des personnalités publiques, notamment des proches du président Patrice Talon.
Cette situation, selon l’opposition, soulève des préoccupations sur la transparence et l’équité de ces transactions. Les élus du parti Les Démocrates demandent fermement au gouvernement des réponses détaillées concernant ce qu’ils considèrent comme une opacité croissante dans la gestion des biens publics. Selon eux, cette pratique remet en question les principes fondamentaux d’éthique et de transparence qui devraient, en principe, guider la gouvernance au Bénin.
Lycée Pierre Manoël Talon : un symbole de la controverse
Au cœur de la polémique se trouve l’acquisition d’un terrain situé à Fidjrossè, à Cotonou, autrefois propriété de Bénin Télécom SA, entreprise en liquidation judiciaire. Ce terrain, aujourd’hui occupé par le Lycée Pierre Manoël Talon, un établissement international français, aurait été transféré à la Fondation Claudine Talon, présidée par l’épouse du chef de l’État, Madame Claudine Talon. Ce lycée a ouvert ses portes le 2 septembre 2024, et cette transaction est devenue un point de focalisation pour l’opposition, qui s’interroge sur la légitimité de la cession de ce domaine public à une fondation privée.
Dans la question d’actualité soumise au Parlement, les députés demandent : « À quel moment ce domaine de l’État, appartenant jadis à Bénin Télécom SA, a-t-il été proposé à la vente ? ». Ils souhaitent également connaître les « clauses de transaction ayant transféré ce domaine public à la Fondation Claudine Talon », qui, bien que bénéficiant de financements publics, est une entité privée liée à la famille présidentielle.
Transparence en question
L’affaire ne se limite pas au seul lycée. L’opposition évoque la possibilité que cette acquisition s’inscrive dans une tendance plus large où des personnalités proches du pouvoir, y compris le président lui-même, auraient acquis plusieurs biens publics. Dans ce contexte, ils demandent des éclaircissements sur le nombre de biens publics ayant changé de main depuis l’accession au pouvoir de Patrice Talon en 2016. « Combien de domaines appartenant à l’État ont-ils déjà fait l’objet d’acquisition par le chef de l’État ou un quelconque membre de sa famille ? », demandent-ils.
D’une part, ces acquisitions récurrentes, pointées du doigt par la minorité parlementaire, soulèvent de sérieux doutes quant à l’existence de conflits d’intérêts. En effet, les députés insistent pour savoir si « les domaines publics acquis par le président Patrice Talon ou sa famille ont fait l’objet d’une proposition publique à la vente avant leur acquisition ». D’autre part, ils veulent vérifier si ces biens ont été offerts à la concurrence dans des conditions transparentes, ou s’ils ont été cédés dans des arrangements privés favorisant l’entourage du président.
Un accaparement des biens publics au détriment de l’intérêt général ?
L’opposition perçoit le transfert récurrent de biens publics à des personnalités influentes, sans débat ni transparence suffisante, comme un accaparement des ressources de l’État. Les députés rappellent que « les Béninois n’étant pas habitués à cette pratique qui consiste à voir, impuissants, le chef de l’État et sa famille s’emparer discrètement de ce qui appartient à l’État ».
Ainsi, ce phénomène, qui semble se répéter sous le mandat actuel, menace, selon l’opposition, de compromettre les bases de la démocratie et d’affaiblir la confiance des citoyens dans leurs institutions. En effet, ces pratiques, estiment-ils, pourraient créer un précédent dangereux en matière de gestion des biens publics, tout en ouvrant la voie à une privatisation masquée des ressources nationales.
Une pression accrue pour des réponses au Parlement
Le débat qui s’annonce au Parlement pourrait donc être l’occasion de faire la lumière sur ces pratiques qui, pour l’opposition, relèvent d’un manque de transparence et d’un abus de pouvoir. En interrogeant le gouvernement sur la régularité de ces opérations, l’opposition espère non seulement obtenir des réponses, mais surtout ouvrir un débat de fond sur la gestion des ressources publiques dans un État démocratique.
Le véritable enjeu derrière cette interpellation dépasse le cadre juridique des transactions immobilières. Il s’agit d’une question fondamentale d’éthique. « Au regard de l’éthique et des valeurs morales qui sont les nôtres, ces pratiques doivent-elles se perpétuer dans un contexte démocratique ? », s’interroge l’opposition dans son questionnement.