Énergie, La Marina BJ – Depuis plus d’un an, La Marina BJ suit l’évolution du Projet de Restructuration et de Renforcement du Système de Répartition et de Distribution de la SBEE (PRESREDI), programme emblématique censé accompagner la modernisation du secteur énergétique béninois. Entre promesses tenues et espoirs déçus, le dernier rapport sur l’état d’exécution et des résultats, daté du 23 juin 2025 à la suite d’une mission réalisée du 14 au 30 avril 2025, confirme une réalité paradoxale : les fondations techniques sont solides, mais les fragilités structurelles et financières continuent de peser sur la réussite finale.
En août 2024 (LMBJ du 27/08/2024), un rapport du projet dressait un tableau sévère : retards accumulés, contrats résiliés et chantiers à l’arrêt, au point de compromettre l’achèvement du projet dans les délais. Quelques mois plus tard, en mai 2025 (LMBJ du 19/05/2025), une bouffée d’oxygène semblait redonner espoir avec la désignation de MR International pour la construction du poste 63/20 kV de Hagoumè, infrastructure stratégique destinée à renforcer la desserte dans le Couffo.
Mais le dernier rapport consulté par La Marina BJ rappelle une évidence : la relance, si elle est réelle, reste fragile. Le chantier avance, certes, mais sous une contrainte permanente – celle d’un financement qui tarde à se matérialiser et d’une administration qui peine à tenir le rythme.
Des infrastructures visibles, mais inachevées
Les acquis sont pourtant tangibles, selon le rapport. Les postes 63 kV de Gbégamey et d’Akpakpa, réceptionnés en janvier 2025, constituent une avancée majeure pour sécuriser l’alimentation de Cotonou et Porto-Novo. Leur intégration au dispatching national n’attend plus que la levée de réserves techniques, prévue pour mai 2025.
Dans les départements du Littoral et de l’Ouémé, les réseaux HTA/BT sont pratiquement achevés. Mais dans le Mono, le Couffo et le Zou, douze localités attendent toujours les équipements nécessaires à leur raccordement. Quant au tronçon Lokossa–Hagoumè, épicentre des litiges contractuels révélés par le rapport de juillet 2024, il a été définitivement abandonné, selon le dernier rapport. Hagoumè, si l’on s’en tient aux conclusions récentes, est désormais alimentée par une ligne 161 kV en provenance de Bohicon, financée sur ressources nationales – preuve que l’État béninois a dû combler, à ses frais, les failles d’un partenariat international incertain.
Le maillon faible : le financement
À quelques mois de l’échéance finale du 31 décembre 2025, le constat est implacable : seuls 32,74 % des fonds engagés ont été décaissés. Cette lenteur chronique place le projet dans une zone de turbulences.
La BAD, principal bailleur, est pointée du doigt pour ses retards de validation. La SBEE, maître d’ouvrage, fait face à des difficultés logistiques et comptables, accentuées par l’introduction du système (SYCEBNL). À cela s’ajoutent les lenteurs dans l’indemnisation des populations affectées, frein récurrent des grands chantiers d’infrastructures. Résultat : le spectre d’une annulation partielle des financements plane toujours, malgré les assurances officielles.
Ces éléments traduisent une vulnérabilité structurelle des projets d’envergure. Si les chantiers techniques progressent, les rouages financiers et administratifs continuent de gripper la machine.
Retombées sociales et espoirs économiques
Là encore, le PRESREDI offre un visage contrasté, souligne le rapport. Les objectifs en matière d’emplois et de formation ont été largement dépassés, avec 227 postes créés contre 130 attendus, et 21 stagiaires formés contre 15 prévus. Sur le plan technique, les pertes d’énergie de la SBEE – qui représentaient 23 % en 2020 – sont descendues à 22,5 % en 2022, avec un objectif de 18 % d’ici la fin du projet. Le rapport précise que « la réhabilitation des lignes moyenne tension (MT) Lokossa –Hagoumey, Hagoumey – Azovè et Hagoumey – Tovikin, réalisée dans le cadre du PRESREDI, ainsi que les réalisations
d’autres projets exécutés par la SBEE, ont certes contribué à réduire le taux des pertes globales de la société. Les informations actualisées à fin 2024 (rapport en cours d’élaboration au MEEM) permettront de mettre à jour ces données. »
Mais l’indicateur clé des abonnés reste bloqué. Aucun nouveau ménage n’a encore été officiellement raccordé, alors que la cible est fixée à 40 000. Selon les précisions des chargés de mission, « les branchements sont réalisés, mais le projet ne dispose pas encore des données sur cette activité. L’UGP prendra les dispositions nécessaires pour la comptabilisation des abonnés aux nouveaux réseaux construits par le PRESREDI. » Ce retard met en évidence une contradiction du projet à savoir certaines infrastructures déjà opérationnelles, mais des résultats encore imperceptibles pour les usagers.
Un calendrier déjà dépassé
Censé durer 36 mois, de 2018 à 2020, le projet PRESREDI a pour finalité la fourniture d’électricité à 40 000 nouveaux abonnés de la SBEE (soit environ 212 000 personnes) dans les villes et alentours de Cotonou (département du Littoral), de Porto-Novo, d’Akpro-Missérété et de Sèmè-Kpodji (Ouémé), de Lokossa (Mono), de Dogbo, de Djakotomey, de Klouékanmè et de Toviklin (Couffo), d’Abomey, de Bohicon et de Zogbodomey (Zou).
Les différentes composantes du projet visent la construction de 30 km de ligne aérienne 63 kV (HT), 105 km de ligne moyenne tension (MT), 279 km de ligne basse tension (BT), 4 sous-stations et 148 postes de transformation.
À la lecture du dernier rapport, il ressort sans équivoque qu’un nouveau délai supplémentaire s’impose, en dépit des assurances données par les rapporteurs dans le document.