Électricité, La Marina BJ – Alors que le Bénin ambitionne d’atteindre l’accès universel à l’électricité d’ici 2030, le dossier des 66 mini-réseaux solaires révèle les fragilités du partenariat public-privé. Deux concessions stratégiques — Borgou et Atlantique — attribuées, sont toujours à l’arrêt. Le régulateur vient d’enterrer une tentative de transfert vers la société ARESS, confirmant l’échec d’un processus entamé il y a plus de cinq ans.
Lancé en 2019 pour électrifier 66 localités rurales, le projet devait être le fer de lance de l’électrification hors réseau. Chaque concession, d’une durée de 20 ans, devait permettre à des opérateurs privés de financer, réhabiliter et exploiter les infrastructures existantes. Mais plus de cinq ans plus tard, quinze zones ciblées, comme Sakabansi (Nikki), Marégourou (N’Dali), Sehounsa (Allada) ou Djomon (Ouidah), attendent toujours leurs premiers kilowattheures réguliers.
L’attributaire AISER/GPI lâché par ses partenaires
Attribués au groupement AISER Consortium GPI S.A à la suite de l’appel à projets de 2019, les lots 3 et 6 de ces deux départements n’ont jamais été concrétisés. Sur le papier, le groupement devait mobiliser ses partenaires financiers (plus de 2,5 milliards d’investissements) et techniques pour moderniser les infrastructures. Dans les faits, le dossier s’est rapidement enlisé, et pour cause : le non-paiement des frais d’instruction dus à l’administration ; l’absence d’organisation des consultations publiques, étape pourtant obligatoire ; l’incapacité à actualiser le modèle financier ; le retrait des partenaires annoncés, notamment Edil Group et Solarway.
Au bout du compte, aucun bouclage financier, aucun chantier lancé et une perte progressive de crédibilité auprès de l’État béninois. « De fait, l’attributaire a renoncé à poursuivre le projet », tranche désormais le régulateur dans son analyse du dossier qui lui a été soumis.
Une tentative de sortie par la cession
Conscient de son incapacité à avancer, le groupement AISER/GPI a tenté il y a quelques mois une manœuvre de dernière minute : céder les deux lots à ARESS S.A.S., société déjà implantée sur le segment hors réseau. ARESS n’est pas un inconnu dans le secteur. Selon nos informations, l’entreprise s’est associée, par exemple, à NEoT Offgrid Africa et GDS International dans le cadre du projet « Les Soleils du Bénin », qui vise à électrifier 12 localités avec une puissance installée de 1,7 MW et 3 MWh de stockage.
Le protocole d’accord prévoyait que la cession devienne effective après signature par AISER des conventions de concession. Un montage habile, mais qui semblait risqué, car il revenait à contourner le processus initial pour transférer la concession à un opérateur, même si ce dernier était jugé plus crédible.
Le coup d’arrêt du régulateur
Dans un avis récent consulté par La Marina BJ, le Conseil national de régulation a opposé un avis négatif à ce protocole. En cause, l’article 40 du modèle de convention d’électrification hors réseau, qui interdit toute cession avant la mise en service effective. Pour le régulateur, accepter un tel montage reviendrait à transformer les concessions en objets de spéculation, exonérant l’attributaire initial de ses obligations de construction.
Les chiffres lors de l’évaluation des offres avant attribution donnent la mesure de l’impasse. Sur le lot du département du Borgou, par exemple, le seul concurrent évincé, le tandem Power-On & Akuo, proposait, selon le régulateur, un tarif de 674 F CFA/kWh, jugé exorbitant. Sur le lot du département de l’Atlantique, AISER était seul en lice. Conséquence : selon les membres de l’ARE, l’appel à projets doit être déclaré infructueux pour les deux lots.
Quelles perspectives ?
Face à ce blocage, l’Autorité de régulation de l’électricité (ARE) recommande au ministère de l’Énergie de relancer l’attribution selon la procédure simplifiée prévue par la loi de 2020 et le décret de 2022. L’enjeu, désormais, est d’identifier rapidement un nouvel opérateur capable de reprendre les localités concernées et d’assurer la mise en service.
En attendant, les populations concernées des départements de l’Atlantique et du Borgou continuent de payer le prix du retard. Pour le régime finissant, l’enjeu est double : d’une part, sauver la crédibilité d’un programme lancé il y a plus de cinq ans et, d’autre part, rassurer des bailleurs comme le MCC, l’AFD ou l’Union européenne, qui suivent de près l’exécution des projets hors réseau.