Justice commerciale, La Marina BJ – Le Tribunal de commerce de Cotonou a déclaré irrecevable, pour cause de prescription, l’action en recouvrement introduite par une plaignante qui réclamait le remboursement d’un prêt de 10 millions de francs CFA accordé en 2014 dans le cadre d’une campagne électorale.
Neuf ans après les faits, la justice béninoise vient de mettre un terme à un contentieux né d’un prêt contracté en vue d’une campagne électorale. Dans son jugement rendu le 28 octobre 2025, la chambre de jugement 3, section 1 du Tribunal de commerce de Cotonou, a tranché : l’action engagée par Madame Armande G., coiffeuse de profession, contre Madame Yvonne D., commerçante, est irrecevable pour cause de prescription.
Un prêt consenti à des fins de campagne
Les faits remontent à 2014, à une période de forte activité politique. La demanderesse soutient avoir prêté 10 millions de francs CFA à la défenderesse, afin de lui permettre d’exécuter certaines prestations dans le cadre d’une campagne électorale. Une somme dont seule une faible partie — 500 000 F CFA — aurait été remboursée, selon une décharge signée le 6 octobre 2016.
Estimant avoir été lésée, Mme G. a saisi le Tribunal de commerce le 7 février 2025, réclamant non seulement le remboursement du principal, mais aussi 5 millions de francs CFA de dommages-intérêts pour préjudice subi. La défenderesse, assistée de son conseil, a soulevé plusieurs exceptions : l’incompétence de la juridiction commerciale, la prescription de l’action et l’autorité de la chose jugée en raison d’une précédente demande de délai de grâce.
Dans sa motivation, le tribunal a d’abord écarté le moyen d’incompétence soulevé par la défenderesse. En se référant à l’article 772 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, la juridiction a estimé que le litige relevait bien de sa compétence, le prêt étant lié à une activité assimilable à un acte de commerce. « La juridiction commerciale demeure compétente pour connaître des contestations relatives aux actes de commerce, même lorsqu’ils sont conclus entre commerçants et non-commerçants », souligne le jugement.
La prescription, pierre angulaire de la décision
Le cœur du jugement repose toutefois sur la question de la prescription quinquennale, prévue à l’article 16 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général. Selon le tribunal, plus de cinq années s’étaient écoulées entre le dernier acte interruptif (le paiement partiel de 2016) et la date de l’assignation (février 2025).
« Faute pour la demanderesse d’avoir accompli un acte interruptif ou suspensif de prescription entre 2016 et 2025, son action se trouve prescrite », précise le jugement. Cette constatation juridique a suffi à écarter la demande sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés. Par conséquent le tribunal déclare « Armande G. irrecevable en son action pour cause de prescription ».
Sauf recours, la créance est définitivement perdue
Selon notre spécialiste à la rédaction, « en l’état, le jugement du Tribunal de commerce éteint juridiquement la créance. La demanderesse peut toutefois interjeter appel dans les délais légaux et tenter de démontrer l’existence d’un acte interruptif de prescription — tel qu’une reconnaissance écrite ou un engagement postérieur au paiement de 2016. » Mais à défaut d’un tel recours, le reste du prêt — soit 9,5 millions de francs CFA — est perdu à jamais.
Notons quand même pour finir que le différend n’est pas né avec cette assignation devant le tribunal de commerce de Cotonou. Dès 2018, la défenderesse avait introduit devant le tribunal ordinaire de la même ville une demande de délai de grâce, invoquant des difficultés financières pour honorer son engagement. Par ordonnance rendue le 11 juillet 2018, la juridiction avait rejeté la requête, estimant qu’aucun élément ne justifiait une prorogation de délai. La commerçante avait alors interjeté appel, mais sans jamais enrôler la procédure, la laissant en suspens pendant plus de sept ans — un épisode que la demanderesse a rappelé dans ses conclusions.
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