Énergie, La Marina BJ –La politique énergétique du Bénin entre dans une nouvelle phase. Selon nos informations, la Société Béninoise de Production d’Électricité (SBPE) a obtenu le feu vert du régulateur pour un plan d’investissements estimé à 182 milliards de francs CFA sur la période 2026-2030. Une enveloppe qui marque la consolidation du virage solaire du pays et la montée en puissance de technologies de stockage inédites.
Le plan validé par l’Autorité de Régulation de l’Électricité (ARE), présenté comme une révision de la précédente feuille de route 2023-2027, vise à réduire la dépendance structurelle du Bénin à l’égard de ses voisins fournisseurs, notamment le Nigéria et le Ghana. Malgré une amélioration progressive, le taux d’autosuffisance nationale reste inférieur à 35 %, obligeant encore le pays à s’appuyer sur les interconnexions de la Communauté Électrique du Bénin (CEB) pour équilibrer le réseau.
L’enjeu est désormais de produire localement plus et mieux, dans un contexte où la demande croît d’environ 10 % par an sous l’effet combiné de l’urbanisation, de la croissance démographique et des nouveaux besoins industriels.
Des centrales solaires en première ligne
Selon les données recueillies par La Marina BJ, près de 80 % de l’enveloppe validée sera orientée vers des infrastructures solaires photovoltaïques. Parmi les projets les plus avancés figurent les centrales FORSUN et TTC, d’une capacité unitaire de 25 MWc, dont la mise en service est attendue en 2026. D’autres initiatives viendront renforcer le maillage énergétique du territoire : le parc solaire de Kandi (25 MWc) dont les négociations contractuelles seraient relancées et celui de Maria-Gléta (7,5 MWc), destiné à diversifier la production dans le Sud.
Au total, près de 80 MWc de nouvelles capacités devraient entrer en production d’ici 2027, principalement sur financement mixte (AFD, UE, JBIC). Un effort considérable pour un pays dont la production nationale plafonnait encore autour de 160 MW en 2024. « L’objectif n’est plus simplement d’ajouter des mégawatts, mais de consolider un mix plus résilient, avec un socle renouvelable dominant », confie à notre rédaction une source bien informée.
Le pari du stockage, une première…
Grande nouveauté du plan d’investissement : l’introduction de systèmes de stockage d’énergie par batteries (BESS). Le projet, structuré en plusieurs phases, débutera par une expérimentation pilote de 5 MW, suivie d’une phase industrielle de 50 MW. Financées notamment par la Japan Bank for International Cooperation (JBIC) et des partenaires européens, ces infrastructures permettront de stabiliser la production solaire et d’assurer la continuité de service lors des pics de consommation.
Selon nos informations, c’est le chantier le plus stratégique du prochain quinquennat. Il symbolise la bascule du Bénin dans une approche technologique avancée, alignée sur les tendances africaines de transition énergétique intégrant stockage, flexibilité et résilience réseau.
Contrairement aux ambitions parfois théoriques des plans précédents, la nouvelle feuille de route s’ancre dans une logique de maturité technique et de soutenabilité financière. La SBPE a privilégié les projets disposant déjà de financements bouclés ou d’avancements physiques significatifs. Les initiatives encore à l’état d’étude – telles que la centrale à cycle combiné de Glo-Djigbé (148 MW) ou les barrages hydroélectriques de Dogo-Bis et Bétérou – demeurent en phase de préparation et feront l’objet d’une validation ultérieure.
Ce tri, jugé « pragmatique », vise à éviter les retards chroniques observés sur certains chantiers, tout en assurant un retour sur investissement maîtrisé. Le coût moyen de production attendu des nouvelles centrales solaires se situe entre 30 et 35 FCFA/kWh, nettement en dessous du thermique (60 à 75 FCFA/kWh).
Une trajectoire financière sous contrôle
L’un des éléments clés du plan réside dans sa discipline budgétaire. L’ensemble des projets approuvés, dont la livraison s’échelonnera entre 2026 et 2028, mobiliseront 182,11 milliards FCFA, répartis comme suit : 143,57 milliards FCFA pour les centrales solaires photovoltaïques ; 35,5 milliards FCFA pour les infrastructures de stockage (BESS) ; 3,04 milliards FCFA pour la maintenance et les équipements de la SBPE.
Cette ventilation traduit une volonté de rationalisation, mais aussi de préservation de la stabilité tarifaire pour les consommateurs. Les projets non financés ou dont la rentabilité n’est pas documentée ne seront pas intégrés dans la base tarifaire du régulateur avant 2028.
Le plan s’accompagne d’un nouveau mécanisme de suivi renforcé. La SBPE devra désormais transmettre deux fois par an un rapport technique et financier détaillé sur l’avancement des chantiers. Cette exigence de transparence s’inscrit dans une logique de reddition de comptes, alors que plusieurs projets solaires avaient connu des retards notables lors de la phase 2023-2025.
Pour l’Autorité de régulation de l’électricité, cette supervision est essentielle pour rétablir la crédibilité du secteur, attirer des bailleurs et maintenir la confiance des investisseurs privés. Une approche qui traduit la professionnalisation progressive de la gouvernance énergétique béninoise.
Une transition énergétique sous haute vigilance
Avec ce plan, le Bénin confirme son choix d’un mix électrique dominé par les renouvelables, mais la trajectoire reste étroite. Les projections officielles tablent sur un taux d’autosuffisance de 34 % à l’horizon 2027, un progrès modeste mais significatif face aux 25 % actuels. La réussite dépendra du rythme d’exécution et de la coordination entre SBPE, SBEE et partenaires techniques.
En toile de fond, le pays poursuit ses efforts d’intégration régionale à travers le marché de l’électricité de la CEDEAO (WAPP), où il espère devenir, à terme, non plus simple importateur, mais acteur d’équilibre et de transit énergétique.