Revue de presse, La Marina BJ – Ce mercredi 5 novembre 2025, il n’y avait guère de suspense sur les Unes de la presse béninoise : toutes, ou presque, vibraient au rythme de la grande interview présidentielle diffusée la veille sur la télévision nationale. Un exercice médiatique rare, où Patrice Talon s’est livré sans détours, entre confidences politiques, piques assumées et esquisses d’ouverture.
Le Potentiel barre sa Une d’un titre choc : « Talon révèle un projet de sabotage des réformes et accuse Yayi ». Le quotidien, fidèle à sa réputation de décodeur politique, restitue deux phrases lourdes de sens du Chef de l’État : « Depuis 2016, Boni Yayi s’emploie avec beaucoup d’énergie à faire échec à toutes les réformes », et encore : « J’ai hâte que mon mandat prenne fin afin que les Béninois puissent vivre autre chose, au-delà de Talon et Boni Yayi. » Des mots qui sonnent comme une libération personnelle, mais aussi comme un constat politique : deux hommes, deux ères, une rivalité devenue structurelle.
Depuis le nord du pays, Daabaaru choisit la phrase qui restera sans doute dans les mémoires : « Je voudrais que lui et moi quittions la scène politique… Notre relation nuit au Bénin. » De cette phrase rapportée par le quotidien de Parakou, il faut y voir moins une pique qu’un aveu — rare, presque intime — sur le poids d’une relation devenue toxique pour le pays. Talon, lucide, y confesse à demi-mot la lassitude d’une dualité qui hante la vie politique depuis près d’une décennie.
L’appel au dépassement
La Nouvelle Tribune prend le contre-pied et retient plutôt le ton d’apaisement, avec en Une : « Talon appelle à dépasser les clivages politiques. » Le journal note que le président a salué les actions de son ancien adversaire de 2016, Lionel Zinsou, tout en se disant disposé à accueillir les députés démissionnaires du parti Les Démocrates (Lire LMBJ du 31/10/2025). Un signal d’ouverture analysé comme la marque d’un président en quête d’apaisement, peut-être déjà tourné vers l’héritage plutôt que vers la confrontation. Pour Les 4 Vérités, la soirée télévisée n’était rien d’autre qu’un grand « déballage ». Le quotidien résume d’une formule : « Talon fait des déballages. » Dans cette franchise assumée, les observateurs voient le style d’un homme qui, en fin de parcours, dit ce qu’il pense sans calcul — quitte à froisser ou surprendre.
Matin Libre, plus institutionnel, propose une autre lecture : la défense par le chef de l’État d’une « trêve politique ». Une proposition qui s’inscrit dans la perspective d’une réforme constitutionnelle visant à instituer un Sénat (Lire LMBJ du 31/10/2025). Le Potentiel précise d’ailleurs que les députés « décident aujourd’hui » de la suite à donner à cette initiative.
Mais l’histoire ne serait pas complète sans le contrepoint de l’ancien président. La Nouvelle Tribune rapporte la réaction de Boni Yayi, qui juge l’initiative du Sénat « antidémocratique » (Lire LMBJ du 04/11/2025). Une opposition frontale, presque symbolique, entre deux figures désormais liées par une rivalité dont ni l’un ni l’autre ne semble vouloir — ou pouvoir — se détacher totalement.
En conclusion la presse béninoise de ce 5 novembre s’accorde sur un point : Patrice Talon a voulu marquer les esprits. L’entretien du 4 novembre, à mi-chemin entre introspection et coup de gueule, aura révélé un président en quête de vérité politique, mais aussi de réconciliation nationale.
Entre aveux, bilans et appels à la trêve, le chef de l’État semble avoir ouvert un nouveau chapitre de son mandat — celui du désengagement annoncé, mais non sans un dernier mot.