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Affaire Steve Amoussou : Le Bénin voit-il un simple dossier judiciaire là où le Togo perçoit un enjeu diplomatique ?

Justice Bénin, Togo L’affaire de l’enlèvement ou de l’arrestation illégale de Steve Amoussou, cyberactiviste béninois résidant à Lomé, a pris une nouvelle tournure hier à Cotonou avec un procès surprise. Alors que la justice togolaise avait émis des mandats d’arrêt internationaux pour extrader plusieurs Béninois impliqués dans l’enlèvement du jeune activiste, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) du Bénin a choisi de juger l’affaire sur son propre sol.

La célérité et le caractère autonome du traitement du dossier semblent indiquer une volonté du gouvernement béninois de le limiter à un simple litige judiciaire opposant deux systèmes juridiques. Cette approche soulève une question cruciale : le Bénin considère-t-il cette affaire sous un angle strictement interne alors que le Togo y voit un enjeu diplomatique et juridique de premier plan ? Analyse.

Une gestion autonome de l’affaire par la CRIET

Le 3 septembre 2024, la CRIET a rendu un verdict inattendu dans le procès de l’enlèvement de Steve Amoussou. Ouanilo Médégan, expert béninois en cybersécurité et directeur du Centre national des investigations numériques a été relaxé, tandis que deux autres accusés, Jimmy Gandaho et Géraud Gbaguidi, ont écopé de 24 mois de prison, dont 12 mois fermes. Ces derniers ont été reconnus coupables d’avoir enlevé Steve Amoussou à Lomé, sous prétexte qu’il devait de l’argent à un compatriote vivant en Indonésie. Cependant, cette décision semble défier les attentes de la justice togolaise, qui avait émis des mandats d’arrêt pour ramener les suspects sur son sol.

En choisissant de juger l’affaire localement et sans coopération apparente avec le pouvoir judiciaire de Lomé, le Bénin semble indiquer que, pour lui, cette affaire relève d’une gestion judiciaire autonome, et non d’un conflit diplomatique. Ce positionnement vise probablement à éviter une escalade diplomatique, tout en affirmant la souveraineté du système judiciaire béninois.

Une coopération judiciaire absente

L’un des points clés de cette affaire est l’absence de coopération judiciaire entre le Togo et le Bénin. Habituellement, lorsqu’un crime est commis entre plusieurs juridictions, les pays concernés collaborent pour garantir que justice soit rendue équitablement. Dans le cas de Steve Amoussou, la justice togolaise a rapidement émis des mandats d’arrêt internationaux pour traduire les suspects en justice à Lomé, là où l’enlèvement a eu lieu. Mais au lieu de répondre favorablement à cette demande, le Bénin a préféré gérer l’affaire en interne.

Cette absence de collaboration pourrait s’expliquer par la volonté du Bénin de protéger ses ressortissants. Juger l’affaire au Bénin permet à Cotonou de conserver le contrôle total sur les poursuites judiciaires et d’éviter de soumettre ses citoyens à un procès dans une autre juridiction. Toutefois, cette décision pourrait être perçue par le Togo comme un refus de reconnaître la gravité des faits commis sur son territoire.

Mandats d’arrêt internationaux : une réponse ignorée ?

Les mandats d’arrêt internationaux émis par le Togo dans cette affaire visent à ramener les suspects devant la justice togolaise. Cependant, la réponse béninoise à ces mandats a été pour le moins discrète. En choisissant de juger les prévenus rapidement, sans extrader les suspects, la justice béninoise semble avoir contourné la question des mandats internationaux. Ce geste pourrait être perçu comme une manière de minimiser l’importance du volet transfrontalier de l’affaire, en la limitant à un dossier purement national.

Si le Bénin semble considérer l’affaire comme une simple question judiciaire, le Togo pourrait percevoir cette gestion unilatérale comme une remise en cause de sa propre souveraineté judiciaire. Le fait que l’enlèvement ait eu lieu à Lomé donne à la justice togolaise des raisons légitimes de demander l’extradition des suspects, et le fait que le Bénin ne réponde pas favorablement à cette demande pourrait être interprété comme un acte de défiance.

Cette situation pourrait conduire à une montée des tensions diplomatiques entre les deux pays, d’autant que l’affaire Amoussou est suivie de près par les médias et les opinions publiques dans les deux pays. Si aucune solution diplomatique ou judiciaire n’est trouvée rapidement, cette affaire pourrait marquer le début d’un conflit diplomatique entre le Bénin et le Togo.

Une affaire à la frontière du droit et de la diplomatie

L’affaire Steve Amoussou met en lumière les limites de la coopération judiciaire dans les affaires transfrontalières entre pays voisins. Le Bénin, en traitant cette affaire de manière strictement judiciaire, espère éviter une escalade des tensions diplomatiques tout en protégeant ses citoyens. Cependant, cette stratégie pourrait s’avérer risquée à long terme si le Togo décide de poursuivre ses demandes d’extradition et d’intensifier la pression diplomatique.

La clé de la résolution de cette affaire pourrait résider dans un dialogue plus étroit entre les systèmes judiciaires des deux pays. À défaut d’une coopération, le risque est grand de voir cette affaire se transformer en un contentieux diplomatique qui pourrait peser durablement sur les relations entre Lomé et Cotonou.


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