Conflit bancaire, Bénin – Le Tribunal de Commerce de Cotonou a récemment rendu une décision dans un litige opposant A.L Mathilde, gérante de société, à la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC BENIN SA). En cause, un chèque certifié de 89.027.500 FCFA, dont l’authenticité était contestée, et une créance de 171 millions FCFA que la banque imputait à Mme A.L. Mathilde.
Ce jugement, qui mêle enjeux civils et poursuite pénale, a révélé des irrégularités dans les pratiques de gestion des créances bancaires.
Un chèque litigieux remet en question le montant d’une créance
Mme A.L. Mathilde, gérante de Freedom Palace SARL, avait contracté plusieurs prêts auprès de la BSIC BENIN SA pour ses activités. En 2018, la banque a imposé une dation en paiement pour solder une créance qu’elle estimait à 171.067.869 FCFA. Cette dation portait sur un immeuble d’une valeur de 442.655.500 FCFA, bien supérieure au montant de la dette supposée.
Cependant, la demanderesse madame A L. Mathilde a découvert des anomalies dans les prélèvements effectués sur son compte. Elle a notamment identifié un chèque certifié de 89.027.500 FCFA qu’elle affirmait ne pas avoir signé. Les expertises graphologiques mandatées par le tribunal ont confirmé que ni la signature ni les écritures figurant sur ce chèque n’étaient authentiques.
Le tribunal, se fondant sur ces expertises, a recalculé le montant de la créance et fixé l’encours réel au 31 décembre 2017 à 40.717.396 FCFA, rejetant ainsi la somme de 171 millions FCFA avancée par la banque.
Des revendications civiles et une action pénale en toile de fond
Face à cette situation, la demanderesse a demandé au tribunal de reconnaître le montant exact de sa dette et d’annuler la dation en paiement. Elle a également réclamé 200 millions FCFA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier qu’elle estime avoir subi.
De son côté, la BSIC BENIN SA a maintenu que la créance initiale incluait des intérêts contractuels légitimes et a contesté les conclusions des experts sur le chèque litigieux. La banque a demandé une nouvelle expertise pour authentifier la signature sur le chèque contesté.
En parallèle, elle a demandé un sursis à statuer, affirmant avoir porté plainte devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) contre Mme A.L. Mathilde pour escroquerie et faux en écriture. La banque espérait ainsi identifier la personne ayant bénéficié du montant du chèque litigieux. Toutefois, le tribunal a estimé que cette procédure pénale n’avait pas d’impact direct sur le litige civil et a refusé de suspendre la procédure en cours.
Un verdict qui redistribue les cartes entre les deux parties
Le tribunal a rendu un jugement équilibré, reconnaissant d’une part les erreurs de la banque en retirant le montant du chèque litigieux de la créance. Le tribunal a fixé la créance à 40.717.396 FCFA, un montant bien inférieur à celui initialement réclamé par la BSIC BENIN SA. Il a également rejeté la demande de la banque pour une nouvelle expertise et l’a condamnée à payer les frais de justice.
Toutefois, la dation en paiement n’a pas été annulée malgré les contestations de la demanderesse . Le tribunal a estimé que ni la lésion ni l’erreur économique invoquée par la demanderesse ne pouvaient s’appliquer en droit pour remettre en cause un tel accord. La demande de 200 millions FCFA de dommages et intérêts a également été rejetée, faute de preuves concrètes établissant un préjudice subi par Mme A.L. Mathilde.
L’issue de l’action pénale en cours devant la CRIET pourrait apporter des révélations supplémentaires sur les responsabilités dans cette affaire.