Art, Bénin – Pendant la cérémonie d’inauguration de l’arène de Ouidah, le samedi 11 janvier 2025, un moment inoubliable a captivé l’attention : un artiste peintre réalisait en direct le tout premier tableau de l’arène. Cette performance, née d’une émotion spontanée, symbolisait un retour aux racines culturelles. Mais qui est cet homme ? Pourquoi a-t-il choisi ce moment si particulier pour peindre ? La Marina BJ est allé à sa rencontre pour retracer son parcours et comprendre ce qui l’a conduit à ce moment unique.
Un artiste multifacette aux racines enracinées
« Je suis Blythe Atemenou, artiste peintre, illustrateur et motion designer. Je dessine depuis 22 ans et pratique la peinture depuis 15 ans », confie-t-il. Derrière son univers artistique, l’artiste se définit lui-même comme « un peu Rantanplan ». « C’est une façon d’assumer ma part d’ignorance et de folie. Ces traits, que beaucoup jugeraient négatifs, sont pour moi essentiels pour apprendre, évoluer et rester créatif. »
Originaire d’Ouidah, Blythe a découvert récemment, grâce à son grand-père, la profondeur de ses racines hweda. Cette révélation l’a conduit à s’immerger dans les Vodun Days, où il a renoué avec une part essentielle de son identité. Bien que chrétien, il exprime une grande fascination pour le panthéon vodun et les traditions endogènes, « Mon père nous a parlé du totem familial, le python, et cela m’a toujours intrigué. »
Mais avant de s’épanouir dans l’art, Blythe a connu un cheminement singulier. « J’ai étudié en banque et finance à l’Université d’Abomey-Calavi, mais ce n’était pas mon choix de cœur », admet-il. Après un détour dans l’univers professionnel, il a tenté de vivre exclusivement de l’art. « Ce n’était pas suffisant, et le fait de transformer ma passion en gagne-pain a un peu tué l’émotion », se souvient-il. Pour rattraper son rêve d’enfant d’être architecte, il s’est reconverti dans le design graphique 2D et 3D, redonnant à l’art une place de passion pure dans sa vie.
Une œuvre née de l’émotion
Pour ce qui est de l’inauguration de l’arène, Blythe n’avait pas prévu de peindre. « En venant à Ouidah, j’avais pris mon matériel pour travailler sur des idées liées aux revenants. Mais une fois dans l’arène, que ce soit la frénésie de l’extraordinaire, les rythmes des tambours, la chaleur du soleil… WOAAAAAH !!! », s’exclame-t-il, revivant cette montée d’adrénaline. Ce moment épique l’a poussé à immortaliser l’atmosphère unique du lieu.
Pour Blythe, une photographie n’aurait pas suffi à capturer l’intensité de l’instant. « J’avais besoin de figer cette chaleur, cette énergie, ces vibrations. Seule la peinture pouvait le faire. » Absorbé dans sa création, il ne réalisa la présence du public qu’après avoir été interpellé par des spectateurs curieux. « Leur regard m’a mis une pression que je n’avais jamais ressentie. »
L’œuvre réalisée lors des Vodun Days rejoindra sa collection personnelle, en vue de sa première exposition solo prévue fin 2025. Déjà sollicité pour des acquisitions « qui ne le laissent pas indifférent », Blythe demeure attaché à l’idée que l’art est un puissant vecteur de promotion des cultures locales. « Nous avons longtemps été consommateurs de cultures étrangères. Il est temps de devenir les ambassadeurs de notre propre héritage », affirme-t-il.
Bien que reclus, Blythe commence à s’ouvrir au public et à participer à des événements. Il a récemment pris part à une résidence artistiques pour le Festival international du bien-être mental à Cotonou. « Je suis convaincu que l’art, sous toutes ses formes, doit être au cœur de la valorisation du vodun et des cultures locales », insiste l’artiste.
Des projets et un message d’espoir
Dans cinq ans, Blythe rêve de diriger son propre studio d’animation, racontant des histoires inspirées des récits de ses grands-parents. Sur le plan artistique, il prévoit des performances toujours spontanées, nourries par sa passion.
À l’adresse des autorités, il exprime sa gratitude pour les efforts déjà déployés dans la promotion de l’art, tout en plaidant pour une meilleure intégration des jeunes talents dans l’industrie. Pour l’artiste, « Les nouvelles générations, à l’aise avec les technologies modernes, peuvent être les meilleurs ambassadeurs de notre culture. »
Parlant de souvenir, Blythe Atemenou n’oubliera jamais la création de son premier vrai tableau, une expérience aussi riche en émotions qu’en apprentissages. Pour se procurer une peinture à l’huile extra fine dont il rêvait depuis longtemps, il avait troqué ses services avec une connaissance en France. Mais une fois les précieuses couleurs en main, il s’était laissé emporter par l’ivresse de la création, produisant une toile qu’il jugeait lui-même troublante.
Après des tentatives infructueuses pour la vendre, il l’avait cédée à un ami pour la somme de 20 000 FCFA, bien loin des 65 000 FCFA qu’elle lui avait coûté à produire. Quelques semaines plus tard, une opportunité d’exposition s’était présentée, le poussant à racheter la toile à son ami pour 30 000 FCFA. Malheureusement, l’exposition n’avait jamais eu lieu, et le tableau avait été perdu dans le processus. « Il ne me reste qu’une photo, que je regarde parfois pour me rappeler de mes sacrifices », confie-t-il.
Cette anecdote illustre à la fois les défis et les passions qui animent Blythe Atemenou. Un artiste marqué par sa résilience, prêt à transformer chaque expérience – même douloureuse – en source d’inspiration.
Blythe Atemenou incarne un artiste de son temps, ancré dans ses racines mais tourné vers l’avenir. À travers son art, il donne vie aux traditions tout en les projetant dans la modernité. L’histoire qu’il a immortalisée récemment à Ouidah résonnera longtemps dans les cœurs.