Justice , Bénin— Lors de sa 99e session, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention de Frédéric Joël Aïvo, professeur de droit constitutionnel et candidat recalé aux élections présidentielles de 2021 au Bénin, est “arbitraire”. Cet avis, récemment rendu public, exhorte le Gouvernement béninois à prendre “les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation” de M. Aïvo et rappelle les normes internationales relatives aux droits humains que cette détention viole.
Une privation de liberté qualifiée d’arbitraire sous plusieurs angles
Le Groupe de travail, en se fondant sur diverses sources mentionnées dans l’avis, estime que la détention de Frédéric Joël Aïvo relève des catégories I, II, III et V de la détention arbitraire, soulignant la gravité de la situation. L’avis précise qu’il est “impossible de justifier la privation de liberté” de M. Aïvo sur un fondement juridique quelconque, ce qui place cette détention dans la catégorie I de la détention arbitraire du groupe de travail.
De plus, l’avis souligne que M. Aïvo est détenu en raison de ses opinions politiques, ce qui relève de la catégorie V et constitue une violation manifeste du droit international. En retenant M. Aïvo pour ses opinions politiques, le Gouvernement du président Patrice Talon enfreindrait les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la “liberté d’opinion et d’expression” et le “droit de participer à la direction des affaires publiques de son pays”. Selon le Groupe de travail, cette détention constitue un “traitement discriminatoire” fondé sur ses opinions politiques, violant ainsi le principe d’égalité entre les citoyens.
Le Groupe de travail a également relevé de graves violations des normes garantissant un procès équitable, ce qui classe la détention dans la catégorie III. L’avis dénonce “l’inobservation totale ou partielle des normes internationales relatives au droit à un procès équitable”, ce qui, selon le Groupe de travail, rend cette détention encore plus injustifiable. Ces manquements mettent en lumière de profonds dysfonctionnements dans le respect des garanties juridiques au Bénin et attirent l’attention de la communauté internationale sur l’urgence de réformes judiciaires substantielles.
Un silence gouvernemental qui interroge
Le 12 janvier 2024 précise l’avis, le Groupe de travail avait adressé une communication au Gouvernement béninois, lui demandant de fournir des informations détaillées sur le dossier de M. Joël Aïvo et de “garantir son intégrité physique et mentale”. Le Gouvernement, bien qu’obligé de répondre dans un délai donné, n’a fourni aucune réponse et n’a pas sollicité de prorogation. Un silence que le Groupe de travail “regrette profondément”. Faute de réponse officielle, le Groupe a dû se fonder sur les informations de sources indépendantes, constatant que le Bénin n’a pas cherché à “contester les allégations, qui paraissent de prime abord crédibles”.
Ce silence des autorités béninoises suscite des interrogations sur l’engagement du pays à respecter ses obligations internationales. En ne répondant pas à cette demande d’information, le Gouvernement renforce la perception d’une “justice opaque”, notamment en ce qui concerne le traitement des détenus politiques.
Une demande claire : libération immédiate et réparations
Face à la gravité des violations constatées, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire appelle le Gouvernement béninois à libérer immédiatement le détenu politique Frédéric Joël Aïvo. Selon l’avis, “la mesure appropriée serait de libérer immédiatement M. Aïvo et de lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation”. Cette recommandation s’inscrit dans les pratiques internationales et vise à réparer le préjudice subi par M. Aïvo.
Le Groupe de travail demande également que des “mesures appropriées” soient prises à l’encontre des responsables de cette détention arbitraire et insiste sur la nécessité d’une enquête “approfondie et indépendante” pour établir les circonstances de cette violation des droits de M. Aïvo.
Le Groupe de travail sur la détention arbitraire réitère l’importance pour le Bénin de respecter ses engagements internationaux et de garantir les droits fondamentaux de tous ses citoyens. Dans cet avis, il enjoint le Gouvernement béninois à adapter ses pratiques et sa législation pour les rendre conformes aux normes internationales, soulignant que “le Conseil des droits de l’homme a invité tous les États à coopérer avec lui”.
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