Patrimoine, Bénin – Lors de la restitution des 26 trésors des palais royaux d’Abomey par la France en 2019, le Bénin célébrait un moment historique : la fin d’un long combat pour récupérer ces œuvres emblématiques, pillées en 1892 par le colonel Dodds. Mais pour Marie-Cécile Zinsou, historienne de l’art et défenseure du patrimoine africain, cette victoire était incomplète. Un détail crucial retenait son attention, un 27ᵉ objet, un tabouret sacré appelé le kataklé, manquait à l’appel.
Déterminée à élucider cette disparition, Marie Cécile Zinsou entama une enquête mystérieuse, qui la mena, avec le journaliste Pierre Firtion, aux confins des archives européennes. Ce duo résolu est parvenu à retrouver cet objet royal précieux, caché depuis des décennies dans un musée finlandais.
Une absence qui soulève des questions
L’affaire remonte à 2006, lorsque Marie-Cécile Zinsou, en tant que commissaire d’une exposition célébrant le centenaire de la mort du roi Béhanzin, s’intéresse de près aux trésors d’Abomey. En examinant les archives, elle constate que « 27 objets avaient été remis par le général Dodds au musée du Trocadéro », explique-t-elle. C’est ce chiffre, soigneusement noté dans ses carnets, qui sera la clé du mystère.
Treize ans plus tard, en 2019, la France annonce la restitution des œuvres. Cependant, Zinsou se rend vite compte d’une anomalie : le nombre de pièces restituées est de 26, et non de 27 comme dans les archives. Troublée par cette différence, elle en parle au journaliste Pierre Firtion, avec qui elle décide de mener des recherches pour retracer ce précieux 27ᵉ trésor disparu.
Le kataklé : symbole royal échangé et oublié
Le 27ᵉ objet manquant, ou kataklé, est un tabouret sacré, symbole de l’autorité royale au Bénin. En menant leurs investigations, Zinsou et Firtion découvrent que cet objet sacré avait quitté la France des décennies avant la restitution de 2019. « On se rend compte que ce 27ᵉ objet, le kataklé, n’est plus en France depuis bien longtemps », confie Zinsou. En effet, le kataklé avait été envoyé en 1939 au Musée national de Finlande, dans le cadre d’un échange entre musées européens.
À cette époque, il n’était pas rare que les musées échangent des œuvres pour diversifier leurs collections sans débourser de fonds. « Dans ce cas précis, Boris Vildé, conservateur au Musée de l’Homme, cherchait à enrichir les collections françaises avec des objets finnois et samis », précise Marie Cécile Zinsou. Le kataklé, considéré comme un “doublon” par les autorités françaises, fut ainsi échangé, au mépris de sa valeur culturelle et historique pour le Bénin.
Ce qui rend cette affaire d’autant plus remarquable est le sort du kataklé dans sa destination finale. Loin de sa terre d’origine et de sa symbolique sacrée, le tabouret royal repose dans les réserves du Musée national de Finlande, tombé dans un oubli presque total. « Le Musée national de Finlande ne savait même plus qu’il avait cette pièce dans ses collections », révèle Marie Cécile Zinsou, soulignant l’ironie de cette précieuse œuvre, perdue dans un inventaire lointain.
Un trésor retrouvé pour une mémoire réhabilitée
Grâce à la ténacité de Marie-Cécile Zinsou, ce 27ᵉ trésor oublié refait surface, et avec lui une part de l’histoire béninoise longtemps occultée. Ce kataklé, au-delà d’être un objet sacré, est devenu le symbole d’une lutte pour la réappropriation culturelle et historique. Pour le Bénin, il est l’occasion de raviver une mémoire séculaire, de réaffirmer l’importance de son patrimoine, et de rendre hommage aux défenseurs de la culture africaine, qui œuvrent pour que chaque objet retrouve son sens et sa place.,