Justice commerciale, Bénin – Alors que l’Agence béninoise d’électrification rurale et de maîtrise d’énergie (ABERME) est en pleine liquidation suite à sa dissolution actée par décret en novembre 2023, le Tribunal de commerce de Cotonou a rendu un jugement important le 28 novembre 2024. L’agence a été condamnée à verser une somme totale de 249,9 millions de FCFA à la Société BUREAU D’ÉTUDE GROUPE SAGE CONSULTANTS (SAGE-C) SARL, au titre de la quote-part non honorée dans l’exécution d’un marché public.
Une collaboration défaillante entre partenaires
Le litige porte sur le marché n°1503/MEF/ME/ABERME/DNCMP/COORD-PERU/PRMP/SPM-PERU/S-PRMP, attribué en juin 2022 au groupement EED/GROUPE SAGE-C. Ce marché, d’un montant total de 599,5 millions de FCFA, concernait des études de faisabilité pour des projets d’électrification de 150 localités rurales. Selon les termes de l’accord, 54,21 % des tâches devaient être réalisées par Etude Engineering Développement (EED), et 45,79 % par SAGE-C.
Cependant, EED n’a honoré aucune de ses obligations. C’est donc SAGE-C qui a dû exécuter la totalité du contrat, prenant également en charge les responsabilités initialement attribuées à son partenaire. Pire, EED aurait perçu un acompte de 130 millions de FCFA sans fournir de prestation, aggravant la mésentente au sein du groupement.
Une décision judiciaire en faveur de SAGE-C
Après avoir analysé les pièces fournies et entendu les différentes parties, le tribunal présidé par le juge Codjo Jonas KONON a conclu que SAGE-C avait exécuté intégralement le marché, comme en témoignent les attestations de service fait datées des 5 et 30 octobre 2023.
En conséquence, le tribunal a autorisé l’ABERME à verser à SAGE-C une somme de cent quatre-vingt-quinze millions mille cinq cent deux (195 001 502) FCFA correspondant à la part du marché initialement attribuée à EED. Il a également ordonné le versement de cinquante-quatre millions neuf cent quatre mille quatre cent quatre-vingt-dix-neuf (54 904 499) FCFA représentant le solde de la quote-part de SAGE-C. Enfin, il a décidé que toute autre somme liée au marché en question serait réglée sur présentation de factures.
L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée à hauteur de la moitié du montant total, soit environ 125 millions de FCFA, en raison de l’urgence pour SAGE-C d’obtenir le paiement de sa créance.
Une gestion déjà mise en cause par les audits
Cette condamnation s’ajoute à une série de révélations sur la gestion chaotique de l’ABERME. L’audit des marchés publics de 2021 avait déjà mis en lumière des disparitions de matériel et une absence systématique de justificatifs financiers. Ce nouveau jugement illustre une fois de plus les failles structurelles dans la gouvernance de cette agence dissoute, désormais en liquidation sous la supervision d’Ellen T. Adjahi, son liquidateur.
Le cas de l’ABERME montre l’urgence de renforcer les mécanismes de contrôle et de suivi dans les institutions publiques. Les mauvaises collaborations, le manque de traçabilité des fonds et les défaillances contractuelles coûtent cher non seulement aux partenaires impliqués, mais aussi à l’État et, indirectement, aux citoyens.
SAGE-C, qui a dû supporter seule la charge du marché, voit enfin ses efforts reconnus par la justice. Reste à voir si ce jugement contribuera à établir de nouvelles règles de gestion pour éviter de tels scandales à l’avenir.