Opinion, Bénin – Le Bénin a vibré pendant trois jours, du 9 au 11 janvier 2025, au rythme des « Vodun Days », un événement culturel et spirituel majeur au cours duquel a été révélé le Tofa 2025, une consultation traditionnelle très attendue. Cette pratique ancestrale, présidée par des dignitaires et prêtres du Fâ, est réputée pour orienter les grandes décisions de la nation à travers des prédictions mystiques. Cependant, cette année, l’interprétation des signes divinatoires suscite une vive polémique : le Fâ aurait suggéré qu’écarter le président actuel, Patrice Talon, mettrait en péril la stabilité du pays. Une prédiction qui semble relancer le débat sur un troisième mandat au Bénin.
Interrogé sur cette interprétation controversée lors de l’émission « L’Entretien Grand Format », diffusée sur Bip Radio le dimanche 12 janvier 2025, David Koffi Aza, prêtre du Fâ et membre influent du comité des rites Vodun, a livré un message qui n’a pas manqué de surprendre. À la question de savoir si le Tofa incite indirectement le président Patrice Talon à briguer un troisième mandat, Koffi Aza a affirmé avec fermeté que « Le Fâ ne connaît pas la Constitution. Ce n’est pas une réalité spirituelle, c’est juste un contrat que le peuple s’est donné. »
Un avertissement du Fâ, pas un appel au troisième mandat
Lors de son développement, David Koffi Aza a tenu à dissiper toute ambiguïté. Selon lui, le Fâ ne s’est pas prononcé sur une éventuelle candidature de Patrice Talon pour un troisième mandat, ce qui serait contraire à la Constitution béninoise. Selon l’interprétation du comité des rites Vodun « Le Fâ n’a pas trouvé de candidat. » Il dit simplement que si vous enlevez le chef actuel, il sera difficile pour tous de subvenir à leurs besoins », a-t-il expliqué. Cette prédiction, selon le prêtre traditionnel, est un avertissement sur les risques de déstabilisation en cas de changement brutal de gouvernance avant la fin du mandat actuel.
Cependant, cette mise en garde a ouvert la voie à une interprétation qui divise l’opinion publique à savoir si faut-il revoir la loi fondamentale pour maintenir la continuité politique prônée par le Fâ ? David Koffi Aza n’hésite pas à ouvrir le débat : « La Constitution n’est pas une parole d’Évangile. La Constitution a été mise en place par le législateur et le législateur est toujours là. »
Le poids du Fâ face à la loi fondamentale
Face aux interrogations insistantes de la journaliste Rachida Houssou lors de l’entretien sur une possible apologie d’un troisième mandat, Koffi Aza a clarifié sa position. Il ne fait pas l’apologie de la révision constitutionnelle, ni celle d’un troisième mandat. « Je donne mon avis en tant que Bokonon, il ne faut pas briser la dynamique en cours », affirme-t-il. Cependant, David Koffi Aza n’a aucun mal, disait-il, à accepter que si l’intérêt de la nation est entre les mains d’un dirigeant, le législateur prenne les dispositions nécessaires pour qu’il puisse continuer à travailler.
À travers cette interprétation, David Koffi Aza insiste sur la nécessité de préserver la stabilité du pays, tout en laissant la responsabilité de la décision finale aux autorités et au peuple béninois. En réponse à ceux qui accusent les Bokonon de manipulation, Koffi Aza a rappelé que le Fâ ne ment pas. Pour lui , « On peut penser que les Bokonon se sont trompés, mais le Fâ ne se trompe pas. Ce qui est inscrit dans le signe reste intangible. » Il a également souligné que le Tofa ne peut être comparé à une consultation ordinaire et que l’interprétation des signes demande une maîtrise profonde des traditions.
Une tradition au cœur des enjeux politiques
Dans un contexte où la Constitution béninoise, actuellement en vigueur, interdit tout troisième mandat, les déclarations de David Koffi Aza, en dépit de tout, suscitent une controverse légitime. Elles posent surtout une question de fond notamment jusqu’où peut-on suivre les recommandations d’un rite traditionnel face aux impératifs d’un État de droit moderne ?
Pour David Koffi Aza, La volonté du Fâ ne s’impose à personne. Si nous décidons de ne pas suivre ses recommandations, nous en assumerons simplement les conséquences. Pour rappel, David Koffi Aza, absent lors de la première édition des Vodun Days, a rejoint le comité des rites Vodun du Bénin après sa nomination par le président Patrice Talon, en vertu du décret n°2024-814 du 28 février 2024 modifiant la composition de cette instance.