Politique, Bénin – Christian Enock Lagnidé, ancien ministre sous le régime de Mathieu Kérékou, a saisi la Cour constitutionnelle pour obtenir des clarifications sur deux points essentiels. D’une part, il s’interroge sur l’éligibilité de Patrice Talon à un second mandat en 2026. D’autre part, il souhaite comprendre si la révision constitutionnelle de 2019 pourrait conduire le Bénin à entrer dans une nouvelle République. Toutefois, ces préoccupations, bien que légitimes, trouvent déjà des éléments de réponse dans les textes en vigueur, notamment l’article 2 de la loi portant révision de la Constitution.
D’emblée, cet article 2 se trouve à la fin du décret portant promulgation de la loi n° 2019-40 du 7 novembre 2019, portant révision de la Constitution de 1990. Signé le 7 novembre 2019 par le président Patrice Talon et son ministre de la Justice de l’époque, Séverin Maxim Quenum, ce décret est toujours disponible sur le site web du secrétariat général du gouvernement du Bénin. Alors sommes-nous dans une nouvelle république ? Décryptage.
Une révision qui ne fonde pas une nouvelle République
Dans sa requête, Christian Lagnidé s’interroge : le Bénin est-il entré dans une nouvelle République depuis 2019 ? Cette interrogation s’appuie sur des changements introduits par la révision de la Constitution, tels que l’allongement du mandat des députés, l’introduction d’un poste de vice-président, et la modification du calendrier électoral.
Toutefois, l’article 2 de la loi n° 2019-40, qui encadre cette révision, est clair sur le fait que « La présente loi constitutionnelle portant révision de la Constitution n’établit pas une nouvelle Constitution. » En d’autres termes, ces modifications, bien qu’importantes, ne constituent pas une rupture institutionnelle ou juridique qui marquerait l’avènement d’une nouvelle République. Elles s’inscrivent dans la continuité de la Constitution de 1990, laquelle reste le socle fondamental de l’organisation politique et institutionnelle du Bénin.
Ainsi, la Cour constitutionnelle, en sa qualité de garante de la Constitution, ne peut pas interpréter ces dispositions autrement que dans le sens d’une continuité républicaine. Par conséquent, affirmer que le Bénin serait dans une nouvelle République depuis 2019 n’a aucun fondement juridique. Et ce n’est pas le professeur Joël Aïvo, depuis sa cellule, qui dira le contraire.
L’éligibilité du président Patrice Talon à un second mandat en 2026
Concernant la seconde question soulevée par l’homme d’affaires Christian Lagnidé, celle de l’éligibilité de Patrice Talon à un second mandat en 2026, il convient de se référer à la combinaison des articles 42 et 157 alinéa 3 de la Constitution révisée. Ces dispositions précisent que le mandat présidentiel est renouvelable une seule fois, mais ne prévoient pas de limitation spécifique liée à la révision de 2019. Parlant de l’article 42, on peut lire dans la loi ce qui suit « Le président de la République est élu au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de président de la République. »
Ainsi donc, la révision constitutionnelle de 2019 n’a pas remis en cause le principe selon lequel un président peut effectuer deux mandats de cinq ans. Patrice Talon ayant déjà effectué un premier mandat de 2016 à 2021, et un second mandat en cours (2021-2026), il n’est pas éligible pour un nouveau mandat en 2026. La Cour constitutionnelle, fidèle à sa mission d’interprétation des textes fondamentaux, ne pourrait statuer autrement sans déroger aux principes clairement établis par la Constitution en vigueur notamment l’article 2.
Une démarche salutaire, mais un cadre juridique indiscutable
Christian Lagnidé, dans sa requête, exprime sa volonté de protéger l’État de droit et de garantir une interprétation cohérente des textes fondamentaux. Il écrit, « La clarification de ces questions par votre Cour me paraît cruciale et impérative pour éviter toute interprétation erronée. » Si cette démarche témoigne d’un sens aigu des responsabilités citoyennes, il convient de souligner que les réponses à ces questions sont déjà explicites dans les textes constitutionnels.
La Cour constitutionnelle, en tant que gardienne de la Constitution, est tenue de respecter et de faire respecter ces dispositions. Toute interprétation contraire irait à l’encontre de l’article 2 de la loi de 2019, qui exclut catégoriquement l’idée d’une nouvelle République, et des articles régissant le mandat présidentiel, qui limitent celui-ci à deux mandats non renouvelables.
La stabilité constitutionnelle avant tout
À travers sa requête, Christian Lagnidé a soulevé des questions pertinentes, mais dont les réponses sont fermement ancrées dans les textes juridiques en vigueur. La Constitution de 1990, malgré les révisions, reste la charte fondamentale du Bénin. La Cour constitutionnelle ne peut donc que réaffirmer la continuité institutionnelle et la limitation des mandats présidentiels à deux, conformément aux principes démocratiques qui régissent la République depuis plus de trois décennies.
En somme, la stabilité constitutionnelle du Bénin repose sur une lecture claire et fidèle des textes. Toute interprétation contraire ne pourrait qu’affaiblir les bases de l’État de droit, ce que ni le président Patrice Talon, ni la cour constitutionnelle, ni les citoyens ne sauraient accepter.
Cette tribune est l’œuvre d’une collaboration de la rédaction de La Marina BJ et du C36.