Politique, Bénin – L’opposition béninoise, notamment le parti Les Démocrates, vient d’obtenir gain de cause avec l’annonce, lors du dernier conseil des ministres, du financement de l’audit du fichier électoral. Le gouvernement du président Patrice Talon a validé le budget proposé de 159 436 200 FCFA, répondant ainsi à une revendication phare du cadre de concertation de l’opposition. Mais cette victoire pourrait se transformer en épreuve redoutable. Gestion des fonds, crédibilité du travail, indépendance des conclusions : autant d’enjeux qui feront de cet audit un test politique grandeur nature.
Lorsqu’en novembre 2023, Les Démocrates ont plaidé pour un audit du fichier électoral, le président Patrice Talon a immédiatement marqué son accord. Cependant, plusieurs mois ont été nécessaires avant que le gouvernement ne passe à l’acte, officialisant le financement du projet.
Ce délai a suffi pour révéler un premier paradoxe : si l’exécutif accepte de financer l’opération, ses soutiens politiques refusent d’y être associés politiquement. Les principaux partis de la mouvance présidentielle ont en effet décliné toute participation, laissant l’opposition seule maîtresse à bord. Un avantage apparent qui pourrait, en réalité, se transformer en piège redoutable.
Une mise en garde présidentielle sans équivoque
En acceptant, le 27 novembre 2023, d’apporter son soutien au projet des opposants, le chef de l’État, Patrice Talon, a adressé un message clair aux initiateurs du projet, c’est-à-dire au parti d’opposition Les Démocrates, représenté ce jour-là par l’ancien président de la République Yayi Boni et d’autres membres du bureau politique. « Veillez à ce que ce ne soit pas fantaisiste, veillez à ce que l’argent que l’État paye ne soit pas détourné, et que cela serve effectivement à l’audit et aux recommandations nécessaires. » affirmait le président Patrice Talon avec fermeté.
Autrement dit, avec le déblocage imminent des fonds, l’opposition joue sa crédibilité. La moindre irrégularité dans la gestion des ressources ou dans la conduite de l’audit pourrait se retourner contre elle, alimentant le discours du pouvoir actuel sur l’incompétence des anciens gouvernants.
2026 en ligne de mire : un test grandeur nature pour l’opposition
Mis en place sous l’égide du cadre de concertation de l’opposition, le comité chargé de superviser l’audit du fichier électoral est présidé par Jean-Baptiste Elias, connu pour son engagement dans la lutte contre la corruption. Il est entouré de figures issues de la société civile, dont Michel Alokpo pour les confessions religieuses, Gustave Assah pour les organisations citoyennes, Moudachirou Bachabi pour les syndicats, et Kassimou Chabi, représentant l’opposition politique. Sur le papier, la composition du comité garantit une certaine neutralité. Mais en cas de controverses, c’est bien le parti Les Démocrates qui devra rendre des comptes. Un audit entaché de doutes pourrait avoir des conséquences politiques désastreuses pour lui.
À un an des élections générales, cet audit est bien plus qu’un simple exercice technique. Il servira de baromètre politique pour l’opposition, qui espère démontrer d’éventuelles irrégularités dans le processus électoral. Mais si la méthodologie est contestée ou si les conclusions apparaissent biaisées, le parti de Boni Yayi pourrait voir sa stratégie se retourner contre lui. Autre facteur de risque : les quatre experts internationaux qui seront mandatés pour examiner la base de données de l’ANIP. Leur indépendance et leur rigueur seront cruciales pour éviter que l’audit ne soit perçu comme une manœuvre politique plutôt qu’un exercice de transparence.
En somme, l’accompagnement de l’exécutif pour un audit du fichier électoral est une avancée majeure pour l’opposition, notamment pour le parti politique Les Démocrates, mais il est aussi porteur de nombreux dangers. Une gestion irréprochable du processus est la seule garantie pour éviter de transformer cette victoire en débâcle. Les Démocrates ont obtenu ce qu’ils demandaient ; il leur reste maintenant à prouver qu’ils savent quoi en faire.