Justice, Bénin – Le mardi dernier (24-09-2024), alors que l’on s’attendait à voir des avocats plus connus au point de presse sur l’enlèvement de l’homme d’affaires Olivier Boko, c’est un groupe de jeunes avocats méconnus du grand public qui s’est présenté. Parmi eux, Maître Ayodélé Ahounou devrait retenir l’attention, pas seulement en tant que porte-parole des avocats, mais aussi pour ses critiques récentes contre le “système partisan”.
Peu le savent mais bien avant l’arrestation de son client, il avait déjà exprimé, en mai 2024, des critiques sévères contre ce concept, utilisé par la Cour constitutionnelle pour justifier la conformité à la constitution du code électoral modifié en mars dernier. En savoir plus sur la réflexion de Me Ayodele Ahounou : L’IDÉOLOGIE DU SYSTÈME PARTISAN N’EST-ELLE PAS TROMPEUSE ?.
Un système partisan sans fondement juridique clair
Dans sa brève analyse sur l’absence de référence constitutionnelle et légale du concept de système partisan, Maître Ayodélé Ahounou partageait une contribution qui allait au-delà de la simple réflexion juridique. L’avocat de Olivier Boko s’attaquait frontalement au concept de “système partisan” utilisé par la Cour constitutionnelle dans ses décisions électorales, notamment celle du 14 mars 2024 (DCC 24-040). La Cour y justifiait la constitutionnalité de plusieurs dispositions controversées du code électoral modifié, dont les critères rigides de parrainage à la présidentielle et le seuil d’éligibilité pour les législatives, au nom du renforcement du “système partisan”.
Selon Maître Ahounou, ce concept, emprunté au discours politique, ne repose sur aucun fondement constitutionnel ou légal. Ni la Constitution du Bénin ni la charte des partis politiques n’évoquent le “système partisan” comme un cadre structurant des interactions politiques. Ce flou juridique le rend inapproprié pour justifier des réformes aussi cruciales.
Le “système partisan” : une théorie floue selon Ahounou
Dans son analyse, Me A. Ahounou soulignait que le concept de “système partisan”, tel qu’invoqué par la Cour constitutionnelle, ne correspond à aucune réalité juridique définie au Bénin. La Constitution se contente de mentionner que les partis politiques “concourent à l’expression du suffrage” et “exercent librement leurs activités”, mais ne définit pas de cadre spécifique pour leurs interactions. De plus, la loi portant charte des partis politiques se concentre uniquement sur les modalités de création et de fonctionnement des partis, sans imposer de limites strictes sur leurs relations internes ou externes.
Pour le spécialiste du droit africain de l’investissement, le “système partisan”, tel qu’employé par la Cour constitutionnelle, ne reflète en réalité que la volonté de renforcer un contrôle institutionnel sur les partis politiques. Il estimait qu’une telle approche risque de fausser le jeu démocratique en limitant l’accès aux fonctions électives à des formations politiques préexistantes, au détriment de la liberté de choix des citoyens et de la représentativité.
Une réflexion ancrée dans la tradition politique et juridique
Maître Ahounou, dans sa contribution, se réfère à l’un des grands théoriciens des systèmes partisans, Giovanni Sartori. Selon ce dernier, le “système partisan” désigne principalement la dynamique des interactions entre les partis en compétition. Il ne s’agit pas d’un cadre normatif, mais d’un concept descriptif, utilisé pour comprendre les équilibres et les rapports de force entre formations politiques dans un pays.
Ainsi, Ahounou soutenait que le recours à ce concept pour encadrer des règles électorales strictes et réduire la marge de manœuvre des candidats ne repose sur aucune légitimité constitutionnelle. Il plaidait pour une lecture plus souple de la loi, où les partis politiques conserveraient une réelle autonomie et où les citoyens pourraient accéder plus librement aux fonctions électives, sans les obstacles posés par des seuils ou des parrainages contraignants.
Des décisions peu intelligibles
Un autre point majeur soulevé par Maître Ahounou dans sa critique portait sur l’intelligibilité des décisions de justice. Pour lui, une bonne décision de justice se doit d’être compréhensible par les citoyens, et cette clarté est une condition essentielle pour maintenir la confiance dans les institutions. En s’appuyant sur des concepts flous comme le “système partisan”, la Cour risquait de rendre ses décisions opaques et d’affaiblir la légitimité de ses jugements.
L’avocat prévenait que cette complexité non justifiée pourrait compromettre la qualité de la justice et engendrer des frustrations parmi les citoyens et les acteurs politiques. Il appelait donc à une plus grande rigueur dans la rédaction des décisions, afin de les rendre accessibles et intelligibles à tous, sans recours à des notions vagues et politiquement chargées. Aujourd’hui, avec l’enlèvement de son client Olivier Boko, les critiques de Maître Ahounou résonnent d’une manière troublante. Le “système partisan” qu’il critiquait il y a quelques mois n’encadre plus seul l’avenir politique de son client, souvent évoqué comme un potentiel candidat à la succession de Patrice Talon.
L’intégralité de l’analyse : https://a2investmentlawfirm.org/lideologie-du-systeme-partisan-nest-elle-pas-trompeuse/