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Quand le transit d’un véhicule devient source de litige : retour sur une affaire judiciaire entre Cotonou et Montréal

Justice, BéninLe transit international de véhicules peut parfois se transformer en un litige juridique complexe. C’est précisément ce qui s’est produit dans l’affaire opposant Madame Morenikè Hountondji, une citoyenne béninoise résidant au Canada, à la société ARAMEL PLUS Sarl, basée à Cotonou.

Après plusieurs mois de bataille judiciaire, le Tribunal de Commerce de Cotonou a rendu sa décision le 10 septembre 2024, confirmant la validité d’une saisie conservatoire effectuée sur le véhicule de Madame Hountondji.

Une expédition qui vire au litige

Tout commence en mai 2021, lorsque Madame Morenikè Hountondji décide d’expédier son véhicule de marque Hyundai Elantra 2018 depuis Montréal vers le Bénin, dans le cadre d’un séjour prolongé. Pour faciliter le processus, elle fait appel à la société BATCHO TRANSPORT ET LOGISTIQUE INC. Cependant, les choses prennent une tournure inattendue : le véhicule n’arrive à Cotonou qu’après son départ du Bénin, en septembre 2021. Elle confie alors à son transitaire le soin de gérer les formalités de dédouanement. Mais, au début de l’année 2023, elle découvre qu’ARAMEL PLUS Sarl, partenaire local de BATCHO TRANSPORT, a pris en charge ces formalités, non seulement sans son accord, mais en immatriculant le véhicule à son propre nom.

Ce qui devait être une simple formalité de transit s’est rapidement transformé en un conflit juridique complexe. Madame Hountondji accuse ARAMEL PLUS d’avoir outrepassé son mandat, qu’elle estime limité au transfert de documents à son transitaire, sans que la société n’intervienne dans les processus de dédouanement ou d’immatriculation.

Les arguments des deux parties

Face à cette situation, Madame Hountondji, assistée de son avocat, Maître Jeffrey R. Gouhizoun, accuse ARAMEL PLUS d’avoir dépassé son rôle, qui se limitait au transfert des documents à son transitaire. Elle conteste également la saisie conservatoire du véhicule, arguant que la société ARAMEL PLUS a abusé de sa position en procédant sans autorisation et en invoquant une créance qu’elle juge non fondée. Elle demande donc au tribunal de rétracter l’ordonnance ayant permis la saisie, de lever cette dernière et de condamner ARAMEL PLUS à des dommages-intérêts pour les frais irrépétibles, à hauteur de 2 millions de francs CFA.

De son côté, ARAMEL PLUS, représentée par Maître Saturnin AGBANI, affirme avoir agi dans les règles. Elle soutient que la créance est légitime, Madame Hountondji n’ayant pas réglé les frais de dédouanement, de retrait du véhicule au port de Cotonou et de gardiennage, qui s’élèvent à plus de 2,6 millions de francs CFA. La société affirme également qu’en raison de l’urgence de la situation et pour éviter que les services douaniers béninois ne placent le véhicule en dépôt, elle a dû prendre en charge les démarches elle-même.

Les audiences des 16 avril et 2 juillet 2024 ont permis à chaque partie de présenter ses arguments. D’un côté, l’avocat de Madame Hountondji dénonce un abus de pouvoir de la part d’ARAMEL PLUS, tandis que cette dernière affirme que ses actions étaient justifiées par le non-respect des engagements financiers de la demanderesse.

La décision du tribunal

La troisième chambre des procédures présidentielles du Tribunal de Commerce de Cotonou a finalement rendu son verdict le 10 septembre 2024, confirmant la validité de la saisie conservatoire. Plusieurs éléments ont pesé dans la balance. Le tribunal a d’abord jugé que la créance d’ARAMEL PLUS était bien fondée. Les preuves présentées par la défense, notamment des échanges par messagerie entre Madame Hountondji et ARAMEL PLUS, ont clairement montré que Madame Hountondji avait donné son accord tacite pour la réalisation des formalités douanières. Le juge Valentin Kakpo s’est notamment appuyé sur un bon d’encaissement de 190 000 francs CFA daté d’avril 2023, mentionnant explicitement des frais pour l’enlèvement du véhicule. Ce document a été considéré comme une preuve suffisante de l’acceptation par Madame Hountondji des démarches entreprises par ARAMEL PLUS.

En outre, le tribunal a estimé que les actions de Madame Hountondji, refusant de payer les frais réclamés, constituaient une menace pour le recouvrement de la créance. Cela a justifié, selon le juge, la mesure conservatoire de saisie. Le tribunal a ainsi rejeté les demandes de rétractation de l’ordonnance et de mainlevée de la saisie.

Malgré les accusations de saisie abusive de Madame Hountondji, le tribunal a validé les démarches d’ARAMEL PLUS et a confirmé que les créanciers doivent honorer leurs créances dans les délais impartis, sous peine de sanctions conservatoires sévères. Cette affaire devrait servir d’avertissement à tous les opérateurs impliqués dans le commerce international, où chaque étape de la transaction peut avoir des conséquences juridiques importantes.


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