Justice, Bénin – Dans une lettre ouverte, Alofa Kossi Kodjo, incarcéré depuis 2010 dans le cadre de l’affaire Pierre Urbain Dangnivo, implore l’intervention du président de la République, SEM Patrice Talon. Cet homme, accusé de complicité sans qu’aucun jugement n’ait été rendu, expose dans cette lettre son désespoir, sa solitude et son besoin urgent de justice.
Alofa Kossi Kodjo, dont le nom reste indissociable de l’affaire controversée de la disparition de Pierre Urbain Dangnivo, décrit avec émotion les conditions de sa détention. « Je suis en détention à la prison civile de Cotonou depuis 2010 dans le cadre de l’affaire Dangnivo Pierre », écrit-il, soulignant l’absence totale de procès depuis son arrestation. Pour cet homme toujours présumé innocent, cela fait près de quinze longues années passées dans une incertitude totale. Malgré deux décisions de la Cour constitutionnelle en 2020 et 2021 affirmant l’illégalité de son maintien en détention, aucune mesure n’a été prise pour le libérer ni pour fixer une date de jugement.
Les conditions de détention et le silence des autorités judiciaires se sont révélés être pour lui des épreuves accablantes : « Depuis plus de 14 ans en prison, je n’ai donc été ni jugé ni relâché. » Cette situation d’abandon l’a privé non seulement de sa liberté, mais également de sa vie personnelle et familiale. Aujourd’hui, comme le révèle cette lettre manuscrite envoyée au chef de l’État Patrice Talon, il se retrouve sans soutien, ayant perdu ses proches et tout lien avec son enfant.
Un appel à la clémence adressé au « père de la nation »
Dans sa lettre, Alofa Kossi Kodjo s’adresse au président Talon, non seulement en tant que chef d’État, mais aussi comme « père de la nation ». En employant cette image, il sollicite une réponse humaine et bienveillante : « Je crie vers vous, père de la nation… ». Dans un ton empreint d’humilité, il se présente, presque dans une posture d’implorant, comme « un Béninois qui demande l’aide de son père ».
Cet appel, que l’on pourrait interpréter comme un ultime espoir, vise à faire entendre une voix souvent ignorée dans le système carcéral béninois. Par des mots simples mais puissants, il implore le président de « se pencher sur [son] cas » et de le délivrer de cette détention sans fin.
Une attente insoutenable et des vies brisées
L’affaire Dangnivo est complexe et a fait couler beaucoup d’encre avant même l’arrivée du président Patrice Talon au pouvoir. En 2010, Pierre Urbain Dangnivo, un cadre du ministère de l’Économie et des Finances, disparaît dans des circonstances mystérieuses. Un corps, identifié comme celui de Dangnivo par les autorités mais contesté par sa famille, est découvert. Alofa Kossi Kodjo est alors arrêté, tout comme un autre présumé complice. Depuis, l’ombre de cette affaire plane toujours, et la disparition de Dangnivo demeure une blessure ouverte dans la mémoire collective béninoise.
Cette affaire révèle les nombreuses zones d’ombre et les dysfonctionnements qui affectent la justice béninoise, notamment les détentions prolongées sans jugement. Les accusations de détention abusive et de violation des droits fondamentaux sont récurrentes, comme le souligne la déclaration d’Alofa, qui se dit victime de l’inaction de la justice malgré ses « nombreuses lettres au tribunal et à la cour d’appel de Cotonou ».
Pour Alofa Kossi Kodjo, cette longue période de détention sans issue judiciaire a eu des conséquences dévastatrices. Sa lettre est empreinte de douleur : il confie avoir « tout perdu ». « Je n’ai plus de femme, plus de parents, et mon enfant qui est avec mes parents n’a plus personne », écrit-il, révélant ainsi l’ampleur de la souffrance que cette détention a engendrée pour lui et ses proches.
Un silence qui doit être rompu
À travers cette lettre ouverte, Alofa Kossi Kodjo espère attirer l’attention de SEM Patrice Talon sur sa situation mais également sur les failles du système judiciaire. Son cri de détresse, adressé au plus haut dirigeant du pays, n’est pas seulement un appel personnel ; il symbolise le désespoir de nombreux détenus oubliés qui attendent de voir leur sort fixé.
« Monsieur le président de la République, je crie, je pleure et je suis à genoux à votre pied. Je suis aussi un Béninois qui demande l’aide de son père, venez à mon secours, souvenez-vous de moi », écrivait Alofa Kossi Kodjo pour conclure sa lettre ouverte.