Énergie, La Marina BJ – Au Bénin, le Projet d’Électrification Rurale (PERU) illustre à lui seul les ambitions et les fragilités du pays dans sa quête d’accès universel à l’électricité. Après une année 2024 marquée par les blocages institutionnels et financiers, le dernier rapport d’exécution et de résultats (EER), daté du 24 juin 2025 et basé sur une mission effectuée du 14 au 30 avril 2025, révèle une progression spectaculaire : de 20 localités électrifiées en 2024 (8,6 % de la cible), le projet en recense désormais 96, soit 41,2 %. Une avancée notable, mais qui ne gomme pas les difficultés persistantes.
En 2024, l’avenir du PERU paraissait compromis (lire LMBJ du 17/09/2024). Le rapport publié alors pointait un taux d’exécution de 55,45 %, un décaissement limité à 36,59 % des fonds de la Banque africaine de développement (BAD), et surtout la dissolution de l’ABERME, l’agence en charge du suivi. Cette réorganisation administrative avait semé la confusion, retardé la signature des contrats et freiné l’ensemble des chantiers. Résultat : seulement 20 villages électrifiés sur 233, une performance très en deçà des attentes.
2025, le bond en avant
Moins d’un an plus tard, le constat change de tonalité. Selon le rapport de juin 2025 publié le 12 septembre dernier, 96 localités sont désormais électrifiées, dont 74 financées par la BAD (42,05 % des 176 prévues) et 22 sur 32 prévues sur ressources nationales. En pourcentage, le PERU passe de 8,6 % en 2024 à 41,2 % en 2025, un saut de plus de 32 points.
Les infrastructures suivent la même dynamique. Selon le rapport consulté par La Marina, 157 km de lignes HTA posées sur 1 447 (10,86 %), 113 km de lignes HTA/BT sur 167 (67,85 %), 491 km de lignes BT sur 1 305 (37,68 %), 144 postes de transformation sur 350 (41,14 %), 915 points d’éclairage public sur 6 331 (14,45 %), et 0 école raccordée sur 35, mais en bonne évolution selon les superviseurs qui mettent en avant le fait que les recrutements d’entreprises pour les raccordements sont en cours.
Cette montée en puissance tranche fortement avec la stagnation de 2024 et traduit une remobilisation effective des acteurs du projet.
Des retombées sociales palpables
Les effets ne sont plus uniquement techniques. Selon le rapport, le PERU a déjà permis la création de 91 emplois permanents, dont 12 occupés par des femmes, ainsi que 510 emplois temporaires (65 femmes). L’installation de 915 lampadaires transforme également la vie nocturne dans plusieurs localités, en renforçant la sécurité et en favorisant les activités économiques après la tombée de la nuit. Ces impacts sociaux, quasi invisibles en 2024, commencent à donner corps à l’ambition initiale du projet : améliorer les conditions de vie des communautés rurales.
Malgré ce redressement, l’édifice reste fragile. Trois points sont jugés insatisfaisants par les évaluateurs : la gestion financière, les procédures d’acquisition et l’audit des comptes. De plus, les travaux demeurent suspendus dans 47 localités confiées au groupement ESB/SOGETEC, dont la défaillance contractuelle menace l’atteinte des objectifs.
Côté financement, le taux de décaissement atteint désormais 51,6 %, une amélioration par rapport à 2024, mais insuffisante pour garantir l’achèvement du projet dans les délais. La BAD et les autorités béninoises évoquent déjà une prorogation de la date de clôture au-delà de décembre 2026, probablement en lien avec le PERU II (lire LMBJ du 03/03/2025).
Un pari encore incertain
Le rapport trace une feuille de route claire : réattribuer les 47 localités bloquées, signer sans délai les contrats de branchements et remobiliser les ingénieurs-conseils pour accélérer l’exécution. Avec 47 000 kits monophasés et 6 000 kits triphasés déjà livrés, le potentiel pour multiplier les raccordements est bien réel.
Le passage de 8,6 % à 41,2 % de localités électrifiées en neuf mois prouve que le PERU peut rebondir. Mais la question demeure : ce sursaut sera-t-il suffisant pour combler le retard accumulé et honorer la promesse d’électrification de 233 villages ? La réponse dépendra de la capacité des parties prenantes à conjuguer rigueur de gestion et accélération des décaissements.