Justice, Bénin – Le 16 juillet dernier, la Cour constitutionnelle a validé la loi n° 2024-26 sur le Conseil Économique et Social (CES), adoptée le 21 juin 2024. Avant cette décision, les parties impliquées ont présenté des arguments divergents pour soutenir leurs positions sur les effets de cette réforme. Quels sont les points clés à retenir des interventions de cette audience?
Exclusion des syndicats : une atteinte à l’article 26 de la constitution ?
Célestin Nounagnon Hounsou, député du parti d’opposition Les Démocrates et auteur d’un recours en inconstitutionnalité de la loi organique, a vigoureusement dénoncé l’exclusion des organisations syndicales des travailleurs du CES, y voyant une violation flagrante de l’article 26 de la constitution. Selon lui, cette exclusion instaure une inégalité devant la loi, en octroyant une place prépondérante aux organisations d’employeurs tout en marginalisant les syndicats des travailleurs. Cette asymétrie, argue-t-il, va à l’encontre du principe d’égalité des citoyens dans l’adoption et l’application de la loi.
Un autre point d’achoppement soulevé par le parlementaire est l’augmentation du nombre des membres du CES, passant de trente à cent dix-sept. Cette expansion, selon lui, constitue une aggravation des charges publiques, sans contrepartie en termes d’augmentation de recettes ou de réalisation d’économies, ce qui est contraire à l’article 107 de la constitution. L’opposant au régime Talon critique le manque de propositions financières pour compenser cette charge supplémentaire, plaçant ainsi une pression accrue sur les ressources publiques.
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Politisation du CES : vers une représentation politique déguisée ?
L’un des arguments les plus sensibles concerne la composition du CES, désormais fortement politisée selon le député Hounsou. Il affirme que 65 % des membres sont désignés par l’Assemblée nationale et le président de la république, transformant ainsi le CES en une institution davantage politique que sociale et économique. Cette politisation risque, selon lui, de nuire à l’objectivité et à l’efficacité du CES, qui se doit d’être un organe représentatif des diverses catégories socioprofessionnelles du pays.
La loi n° 2024-26 attribue deux nouvelles missions au CES, un ajout qui, selon le requérant député, viole l’article 139 de la constitution, lequel énumère limitativement les attributions de cette institution. En revanche, les défenseurs de la loi soutiennent que ces nouvelles attributions visent à mieux répondre aux préoccupations économiques et sociales du pays, renforçant ainsi le rôle consultatif du CES sans en dénaturer la mission originelle.
Inclusion des organisations d’employeurs mais pas des syndicats : Une discrimination justifiée ?
À la même audience, le secrétaire général du gouvernement a répondu aux critiques en soulignant que l’article 140 de la constitution laisse au législateur le soin de déterminer la composition du CES, sans imposer de limites spécifiques. Il a argumenté que les organisations d’employeurs et de travailleurs ont des vocations différentes, justifiant ainsi une représentation distincte. Cette différenciation ne constituerait donc pas, selon le représentant du chef de l’État, une discrimination au sens de l’article 26 de la constitution.
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Toutefois, la cour constitutionnelle, après un examen approfondi, a jugé que la loi n° 2024-26 respecte toutes les dispositions constitutionnelles, rejetant ainsi les arguments du député Hounsou. Cette décision, bien que légitime, ne fait donc pas l’unanimité. Elle soulève des questions fondamentales sur l’équilibre entre les différentes forces sociopolitiques au sein du CES et la répartition équitable des charges publiques.
En conclusion, la validation de la loi sur le CES par la cour constitutionnelle marque un tournant significatif dans la structuration de cette institution. Néanmoins, les débats sur l’inclusion, la représentation et les implications financières de cette réforme restent ouverts, reflétant les défis permanents de gouvernance et d’équité dans le paysage politique béninois.
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