Contentieux bancaire, Bénin – Après près de quatre années de bataille judiciaire, la Cour d’Appel de Commerce de Cotonou a mis un terme à une affaire emblématique de saisie immobilière opposant la Banque Atlantique du Bénin à l’appelant A. E. TOSSOU. En dernière instance, l’institution bancaire a obtenu gain de cause, confirmant son droit à réaliser la garantie hypothécaire consentie pour couvrir un prêt accordé à la société ELYON S.A., anciennement dénommée ALGOAW.
Cette affaire, qui mêle des enjeux juridiques et des pratiques commerciales, illustre avec clarté les tensions entre les droits des créanciers et les recours souvent limités des cautions en cas de défaillance du débiteur principal.
Une hypothèque pour 395 millions de FCFA
En octobre 2017, la société ELYON S.A., dirigée par M. B. R. V. DOKPEMOU, a contracté un prêt de 395 millions de FCFA auprès de la Banque Atlantique. Afin de garantir cette opération, M. A. E. TOSSOU a offert une hypothèque sur un bien immobilier enregistré en son nom et situé à Cotonou.
Trois ans plus tard, après des manquements de la société ELYON dans le remboursement du prêt, la Banque Atlantique a engagé une procédure de recouvrement visant à obtenir 407,7 millions de FCFA, somme incluant les intérêts. Le Tribunal de Commerce de Cotonou a autorisé en janvier 2020 la saisie du bien hypothéqué, malgré les objections de M. TOSSOU. À l’issue de la procédure, le bien a été adjugé à la Banque Atlantique pour 300 millions de FCFA lors d’une vente aux enchères organisée en février de la même année.
Un appel centré sur la garantie hypothécaire
Contestant les décisions rendues en première instance, M. TOSSOU a porté l’affaire devant la Cour d’Appel de Commerce de Cotonou. L’appelant a fait valoir plusieurs arguments pour justifier son appel. Il a d’abord soutenu que la créance réclamée par la Banque Atlantique n’était ni certaine, ni liquide, ni exigible, ce qui, selon lui, constituait une irrégularité majeure. Il a ensuite affirmé que la banque avait violé le principe du bénéfice de discussion. Ce principe impose au créancier d’épuiser ses recours contre le débiteur principal, en l’occurrence la société ELYON, avant de poursuivre la caution.
En outre, il a reproché à la Banque Atlantique de ne pas l’avoir suffisamment informé sur la gestion du compte courant et sur les conditions de l’hypothèque, ce qui, selon lui, entachait la procédure. Enfin, il a rappelé qu’il avait adressé à la banque une notification de révocation de la garantie hypothécaire dès novembre 2017, mais que cette demande était restée sans réponse.
Pour sa défense, la Banque Atlantique a également présenté des arguments solides en faveur de la validité des procédures engagées. Elle a d’abord indiqué que le jugement initial, rendu en premier et dernier ressort, n’avait pas statué sur le fond de la créance. À ce titre, elle a soutenu que l’appel interjeté par M. TOSSOU était irrecevable conformément à l’article 300 de l’Acte Uniforme OHADA. La banque a également souligné que les arguments de M. TOSSOU ne remettaient pas en cause le principe même de la créance. Selon elle, ces objections portaient davantage sur des aspects procéduraux qui n’annulaient en rien la validité de la dette.
Par ailleurs, elle a rappelé que la société ELYON, principale débitrice, n’avait jamais contesté la créance devant aucune juridiction. Enfin, la Banque Atlantique a affirmé que la révocation unilatérale de la garantie hypothécaire par M. TOSSOU n’avait aucune valeur juridique, l’engagement pris étant irrévocable et autonome.
La décision finale de la Cour
Le 30 octobre 2024, le tout nouveau pôle 1 de la Cour d’Appel de Commerce de Cotonou, présidé par le juge William Kodjoh-Kpakpassou, a rendu son verdict. Après examen des arguments des deux parties, elle a jugé l’appel de M. TOSSOU irrecevable. Les juges ont estimé que les moyens soulevés par l’appelant, notamment sur la validité de la créance et le bénéfice de discussion, ne remettaient pas en cause le fondement de celle-ci. Ils ont également noté que la société ELYON, bénéficiaire directe du prêt, n’avait jamais contesté la dette devant les juridictions compétentes. La Cour a ainsi confirmé la décision rendue en première instance par le Tribunal de Commerce de Cotonou et a condamné M. TOSSOU aux dépens.
La Cour d’Appel de Commerce de Cotonou, par cet arrêt, rappelle une règle fondamentale : dans les litiges commerciaux, seules la rigueur et la précision des arguments juridiques peuvent prévaloir.