Gouvernance, Bénin –Le secteur de la boucherie au Bénin traverse une crise profonde. Faux frais, abattages clandestins, manque de soutien gouvernemental… C’est ce qu’expose le président de l’Association des Bouchers du Bénin (ABB), Apety Cossi Gaston, dans une interview accordée au journaliste Gildas Ahogni du quotidien Le Patriote Bénin.
Depuis 2016, le secteur de la boucherie, pourtant essentiel à l’alimentation des Béninois, est en proie à d’énormes difficultés. « C’est à croire qu’on n’existe pas », déclare Apety Cossi Gaston, en décrivant une situation où l’approvisionnement en bœufs devient de plus en plus précaire. Jadis alimenté par les pays voisins comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso, le Bénin dépend aujourd’hui presque exclusivement du Niger, et les volumes sont insuffisants.
Cette rareté entraîne une flambée des prix aggravée par des intermédiaires sans scrupules. « L’autre chose qui se passe sur les parcs de vente, c’est le rôle malsain joué par les intermédiaires et démarcheurs. Ce sont eux qui aggravent la situation des bouchers. Souvent, ils viennent jouer aux traducteurs en spéculant sur les prix et en obligeant les bouchers à acheter les bœufs très chers », s’insurge le président de l’ABB, dénonçant un secteur livré à lui-même.
Abattoirs et qualité de la viande : une réglementation défaillante
Les abattoirs, censés garantir la qualité des viandes, ne remplissent plus leur rôle, selon Apety Cossi Gaston. Il y a quelques années, tout bœuf devait passer par l’abattoir pour garantir sa qualité. Aujourd’hui, les règles ne sont plus respectées, regrette-t-il. L’abattage clandestin prospère, mettant en danger la santé des consommateurs et compromettant l’équité dans le commerce de la viande.
Le constat est alarmant : des morceaux de viande vendus à même les bassines sur des marchés informels, sans contrôle ni pesée, font concurrence aux bouchers qui s’efforcent de respecter les normes. « La viande n’est pas comme les tomates qu’on peut mettre sur la tête et vendre. Si vous allez, par exemple, à la place Bulgarie, vous les verrez avec des bassines sur la tête, et là, c’est sûr que ces viandes ne sont pas de bonne qualité », martèle-t-il.
Un gouvernement absent
Apety Cossi Gaston ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque le manque de soutien des autorités. « Aucun gouvernement n’a jamais pensé aux bouchers », affirme-t-il, accusant certains responsables d’être de mèche avec les acteurs informels qui gangrènent le secteur.
Malgré plusieurs courriers adressés au ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, les bouchers restent sans réponse satisfaisante. Lors d’une rare audience, l’association s’est vu demander de « redéfinir leur motion ». Une démarche perçue comme un manque de volonté politique pour résoudre les problèmes structurels.
Pour résoudre les difficultés qui paralysent le secteur, l’Association des Bouchers du Bénin propose plusieurs solutions concrètes. La construction d’abattoirs modernes dans chaque département est indispensable pour garantir une qualité sanitaire et encadrer les abattages. Il est également nécessaire d’instaurer une réglementation stricte sur les prix des bœufs et de la viande afin d’éviter les spéculations abusives.
La pesée obligatoire des animaux vivants avant leur abattage apparaît comme une mesure cruciale pour assurer une tarification équitable entre les acteurs de la filière. L’interdiction de l’abattage clandestin et la mise en place d’un contrôle rigoureux tout au long de la chaîne d’approvisionnement sont des étapes incontournables pour restaurer l’équité et la transparence dans le commerce de la viande.
Enfin, la création d’un fonds d’appui dédié aux bouchers permettra de soulager leur charge financière et de soutenir leur activité face aux nombreuses contraintes actuelles. En complément, Apety Cossi Gaston plaide pour l’organisation de visites médicales périodiques pour les bouchers, un métier physiquement exigeant souvent négligé par les autorités sanitaires.